Petites mains // De Nessim Chikhaoui. Avec Corinne Masiero, Lucie Charles-Alfred et Marie-Sohna Condé.
Petites Mains, réalisé par Nessim Chikhaoui, s'inscrit dans la veine de la comédie sociale, un genre souvent délicat à maîtriser. Le film nous plonge dans l'univers méconnu des coulisses d'un palace parisien, en suivant le parcours d'Eva, une jeune femme embauchée temporairement pour remplacer une femme de chambre en grève. Si cette trame laisse espérer un regard à la fois drôle et percutant sur la condition des employés précaires, le résultat final reste malheureusement en demi-teinte. Malgré de bonnes intentions, le film peine à atteindre le potentiel que son sujet aurait pu permettre d'explorer. Le film prend place dans les sous-sols d'un palace, un lieu où les employés, invisibles aux yeux des riches clients, triment sans relâche. Eva découvre un monde où les cadences sont infernales, les tâches répétitives et la reconnaissance inexistante. Le décalage entre la richesse ostentatoire des clients de l'hôtel et la réalité difficile des femmes de chambre aurait pu offrir un cadre puissant pour une réflexion plus profonde.
Rien n'avait préparé Eva à l'exigence d'un grand hôtel. En intégrant l'équipe des femmes de chambres, elle fait la connaissance de collègues aux fortes personnalités : Safietou, Aissata, Violette et Simone. Entre rires et coups durs, la jeune femme découvre une équipe soudée et solidaire face à l'adversité. Lorsqu'un mouvement social bouscule la vie du palace, chacune de ces " petites mains " se retrouve face à ses choix.
Cependant, le film s'attache exclusivement au quotidien des employés sans jamais vraiment explorer la dimension des inégalités sociales avec toute l'intensité que l'on pourrait attendre d'une telle histoire. En effet, on ne voit jamais les clients riches du palace. Cette absence de confrontation visuelle entre les deux mondes - celui des privilégiés et celui des travailleurs - affaiblit le propos du film. Il manque cette tension qui aurait pu enrichir le récit et pousser plus loin la critique sociale. Le choix de se concentrer uniquement sur les luttes internes du personnel, bien que pertinent, empêche le film d'atteindre une certaine profondeur narrative. Il en résulte une œuvre qui aborde la "lutte des classes" sans réellement nous y faire plonger émotionnellement. Le casting du film est principalement féminin, et l'énergie des actrices est indéniable. Lucie Charles-Alfred, dans le rôle d'Eva, offre une performance convaincante, mais son personnage reste malheureusement sous-exploité. Le film effleure son parcours, ses doutes et ses ambitions, sans jamais vraiment approfondir son histoire personnelle.
Cette superficialité dans le traitement des personnages empêche le spectateur de s'attacher pleinement à eux, ce qui est dommage, car il y avait matière à créer des protagonistes plus nuancés et mémorables. Corinne Masiero, quant à elle, se démarque dans le rôle d'une femme de ménage usée par des années de labeur. Son personnage, d'abord présenté comme une figure aigrie et cynique, se révèle peu à peu être l'un des plus touchants du film. Masiero apporte une authenticité brute à son rôle, et son interprétation est sans doute l'un des points forts du film. Elle incarne à merveille la fatigue physique et morale de ces travailleuses invisibles, tout en laissant transparaître une humanité et une tendresse inattendues. L'intrigue principale de Petites Mains tourne autour d'une grève des femmes de chambre, un sujet inspiré de luttes sociales réelles en France. Cependant, le traitement de ce conflit manque de nuances. La représentation des syndicats et de la direction de l'hôtel reste très simplifiée : le syndicaliste est sympathique et dévoué, tandis que la direction, jamais réellement montrée à l'écran, est froide et distante.
Ce manichéisme affaiblit l'impact du film, qui semble parfois se contenter de stéréotypes et de raccourcis scénaristiques. Le scénario écrit par Hélène Fillières ne parvient pas à insuffler suffisamment de dynamisme à l'histoire. Alors que la situation aurait pu donner lieu à des moments forts, à la fois dramatiques et comiques, l'ensemble reste trop sage, trop linéaire. La grève, qui aurait pu être le point de départ d'une réflexion plus profonde sur les conditions de travail et les rapports de pouvoir, se résout de manière presque anecdotique. La mise en scène manque également d'audace, restant trop souvent dans un registre conventionnel. Malgré ses défauts, Petites Mains n'est pas un mauvais film. Il est porté par une distribution énergique et aborde un sujet rarement traité au cinéma. Il est évident que le réalisateur Nessim Chikhaoui avait à cœur de rendre hommage à ces travailleuses de l'ombre, qui exercent des métiers souvent méprisés. Le film tente de leur donner une voix, de montrer leur solidarité, leurs rires et leurs luttes quotidiennes. Mais cette bonne volonté ne suffit pas à compenser les faiblesses du scénario et de la réalisation.
En fin de compte, Petites Mains est un film qui, malgré son sujet pertinent et ses bonnes intentions, ne parvient jamais vraiment à décoller. La superficialité du traitement des personnages et de l'intrigue laisse le spectateur sur sa faim. C'est un film sympathique, mais qui aurait pu être bien plus percutant. En s'en tenant à une vision trop édulcorée et en négligeant d'explorer plus en profondeur la dimension sociale et humaine de son propos, Petites Mains reste un divertissement de fin de journée, sans grande saveur ni originalité. Cependant, si l'on cherche une comédie légère avec une touche de réalité sociale, Petites Mains offre tout de même quelques moments agréables et des performances d'actrices qui méritent d'être soulignées. Mais pour un film traitant de lutte et de résistance, il manque malheureusement l'élément essentiel : la révolte.
Note : 5/10. En bref, une comédie sociale honorable qui a malgré tout du mal à décoller.
Sorti le 1er mai 2024 au cinéma - Disponible en VOD