La manière dont l’auteure présentait son livre était fascinante. Elle faisait preuve d’une imagination à la fois débordante et rigoureuse. J’avais le sentiment d’entendre un épisode écrit par Maurice Leblanc tant il y avait quelque chose de « lupinesque » dans la fiction qu’elle avait montée de toutes pièces pour résoudre un mystère lié à une oeuvre de Gustav Klimt.
Ce que l’on sait du tableau que le peintre intitula Portrait d’une dame tient en quelques lignes. Il a été peint à Vienne en 1910, acheté par un collectionneur anonyme en 1916, retouché par le maître un an plus tard, puis volé en 1997, avant de réapparaître en 2019 dans les jardins d’un musée d’art moderne en Italie où il est aujourd’hui exposé.Personne n’a réussi à élucider qui est la jeune femme représentée, ni quels mystères entourent l’histoire mouvementée de son portrait. C’est d’autant plus troublant que cette oeuvre est la seule que Klimt ait jamais reprise car il était connu pour ne jamais effectué de repeint.Camille de Peretti ne disposait de rien d’autre pour construire une fiction historique dont les bases sont rigoureusement exactes mais sur lesquelles elle a monté des murs qui ne sont que pure invention. Entreprendre la lecture en le sachant pimente l’affaire car on s’interroge sur la solidité de l’entreprise.Non seulement tout se tient solidement malgré des rebondissements tout à fait extraordinaires mais nous sommes happés par le destin de ces personnages hors du commun et leur traversée du XX° siècle. Il y a là matière à un long-métrage qui serait à coup sûr lui aussi promis au succès.L’auteure a choisi d’installer d’abord les personnages. On se prend immédiatement d’affection pour cette plumassière et d’intérêt pour le jeune cireur de chaussures. Le tableau n’apparaîtra que plus tard dans la narration. Nous n’éprouverons pas le trouble physique et psychologique que cette oeuvre d’art pourrait provoquer, appelé syndrome de Stendhal (p. 247) mais nous comprendrons qu’elle ait pu provoquer de terribles actions.Ancienne analyste financière, passionnée de peinture et de littérature, Camille de Peretti a déjà publié huit romans dont la plupart ont été distingués par des prix. Son premier romanThornytorinx(Belfond, 2005, récompensé par le prix du Premier roman de Chambéry) traitait de l’anorexie et de la boulimie. Elle réussit avec ce neuvième à nous distraire tout en nous rappelant combien la condition humaine était difficile pour tous ceux qui naissaient dans des conditions précaires et illégitimes … du point de vue de la société bourgeoise. Car cette auteure est avant tout une humaniste convaincue, et convaincante.
L’inconnue du portrait de Camille de Peretti, Calmann Lévy, en librairie depuis le 3 janvier 2024Prix des romancières 2024, du Prix du roman Marie Claire 2024 et du Prix Maison de la Presse 2024.Lu en format numérique de 268 pages (350 pages version brochée)