Duchess // De Neil Marshall. Avec Colm Meaney, Sean Pertwee et Stephanie Beacham.
Il fut un temps où Neil Marshall faisait figure d'incontournable dans le cinéma de genre britannique. En 2005, il réalisait The Descent, un film d'horreur salué par la critique et considéré comme l'une des meilleures productions britanniques du genre. Son atmosphère oppressante et ses effets pratiques avaient marqué les esprits, élevant Marshall au rang de réalisateur à suivre. Mais depuis ce succès, la carrière de Marshall semble marquer un déclin significatif. Son dernier film, Duchess, en est l'illustration la plus frappante. Ce thriller de gangsters est non seulement décevant, mais il montre également les limites de l'alliance créative entre Marshall et sa femme, Charlotte Kirk, qui tient le rôle principal. Duchess tente désespérément de s'inscrire dans la lignée des films de gangsters britanniques à succès, à l'instar des œuvres de Guy Ritchie comme Arnaques, crimes et botanique ou Snatch.
Dans le monde perfide du trafic de diamants, Duchess, laissée pour morte, est déterminée à se venger.
Le film reprend bon nombre de leurs éléments caractéristiques : des personnages hauts en couleur, des montages rythmés, des scènes de violence stylisées, et des dialogues percutants. Cependant, là où Ritchie excelle à rendre ces ingrédients divertissants et originaux, Duchess échoue à susciter l'intérêt. Le film semble calqué sur un modèle déjà épuisé, sans y apporter de fraîcheur ni d'innovation. Les personnages manquent de profondeur, et les dialogues sont tellement maladroits qu'ils en deviennent douloureux à écouter. Charlotte Kirk, qui incarne Scarlett Monaghan - surnommée "Duchess" - une petite délinquante londonienne mêlée à un réseau de contrebande de diamants, ne parvient pas à apporter le charisme nécessaire à son rôle. Son interprétation reste plate, et ses interactions avec les autres personnages sont si peu convaincantes qu'elles finissent par susciter plus de gêne que d'empathie. Face à la faiblesse du scénario et des performances, Marshall semble recourir à une escalade de violence graphique pour maintenir l'attention du spectateur.
Le film bascule régulièrement dans une brutalité excessive, multipliant les scènes de torture et de meurtre dans une tentative évidente de choquer. Une scène en particulier, où un fer à repasser est utilisé comme outil de torture, est représentative de cette approche. Malheureusement, cette surenchère ne sert qu'à masquer les défauts fondamentaux du film sans pour autant les corriger. La violence, quand elle est bien maîtrisée, peut ajouter une dimension dramatique ou émotionnelle à un film. Mais dans Duchess, elle semble gratuite, utilisée comme un artifice pour camoufler le manque d'inspiration narrative et la faiblesse des dialogues. Ce choix rend le film non seulement désagréable, mais aussi insipide, car la violence, au lieu de renforcer l'intrigue, ne fait que souligner sa vacuité. Un autre aspect problématique du film est sa tentative maladroite de présenter son héroïne comme une figure de vengeance féministe. Scarlett est censée être une femme forte, évoluant dans un monde d'hommes brutaux et cherchant à s'affirmer par ses propres moyens.
Cependant, cette dimension prétendument féministe est sapée par la manière dont le personnage est écrit et interprété. Plutôt que d'être une figure d'émancipation, Scarlett semble davantage être un prétexte pour justifier des scènes d'action violentes. Le film échoue ainsi à proposer une véritable réflexion sur la place des femmes dans un milieu criminel dominé par les hommes, et se contente d'en faire un simple objet de vengeance, sans profondeur ni nuance. Cette approche fait penser à un opportunisme cynique qui tente de capitaliser sur l'air du temps sans véritable engagement envers la cause qu'il prétend défendre. Le reste du casting, pourtant composé d'acteurs chevronnés comme Philip Winchester et Sean Pertwee, est également sous-exploité. Les personnages secondaires, censés ajouter du relief à l'histoire, sont réduits à des stéréotypes peu crédibles et mal définis. Pertwee, en particulier, semble totalement dépassé par son rôle de malfrat de seconde zone, et même ses habituelles touches de gravité semblent absentes ici.
Quant à Colin Egglesfield et Stephanie Beacham, leurs performances ne sont guère mieux servies par un scénario indigent et des dialogues ridicules. Finalement, Duchess ressemble davantage à une parodie involontaire des films qu'il tente d'imiter qu'à un hommage sincère au genre. La répétition incessante de certains procédés stylistiques - comme l'affichage des noms des personnages à leur apparition à l'écran - devient rapidement lassante, voire agaçante. Ces choix esthétiques, qui auraient pu apporter du dynamisme, ne parviennent qu'à renforcer la sensation de déjà-vu et d'artificialité qui imprègne l'ensemble du film. Avec Duchess, Neil Marshall livre un film qui peine à trouver sa place. Mal exécuté, mal interprété et d'une violence gratuite, il est difficile de recommander ce thriller à quiconque. La promesse d'un récit féministe se dilue dans une intrigue mal ficelée, et les tentatives d'hommage aux classiques du film de gangster tombent à plat.
Marshall, autrefois un réalisateur prometteur, semble ici à court d'idées et de direction, laissant son œuvre sombrer dans l'oubli. Pour lui, il est peut-être temps de repenser ses collaborations et de revenir à ce qui avait fait sa force : une vision artistique claire et des personnages authentiques.
Note : 2/10. En bref, pas grand chose à voir, passez votre chemin. Saban Films a encore frappé.
Prochainement en France en SVOD