La Solitude des femmes

Par Vertuchou

As-tu peur ? Te voici seule avec le silence...
Aucun souffle... aucun pas... nulle voix et nul bruit...
Seule comme une fleur que nul vent ne balance,
Seule avec ton parfum et ton rêve et la nuit.

As-tu peur ? Te voici seule avec la ténèbre,
Seule comme une morte au fond de son tombeau ;
Tout est pesant et noir, taciturne et funèbre
Malgré l’amour si proche et le bonheur si beau.

As-tu peur ? Te voici toute seule avec l’ombre,
Seule comme une étoile au moment du matin ;
Comme un papillon d’or au fond d’un jardin sombre
Se meurt en palpitant pour son soleil lointain...

Te voici toute seule avec ton cœur sauvage
Qui se débat et bat son humane prison,
Seule avec ce tourment qui rôde et te ravage,
Perpétuel orage autour de ta raison.

Te voici seule, ô belle, ô douce, à jamais seule ;
Et malgré ta jeunesse et tes yeux triomphants,
Oui, déjà seule ainsi qu’une très vieille aïeule
Qui aurait vu partir tous ses petits-enfants

Seule, ô force d’amour, ô vivante, ô féconde,
Car rien n’apaisera ta soif de l’éternel,
Car ton plus rauque cri de volupté profonde,
Ce cri désespéré, n’est encore qu’un appel.

L’homme ne comprend pas ton étrange détresse ;
L’élan de ta douleur toujours se brise en vain...
Et, femelle en qui souffre une grande déesse,
Tu rêves au réveil qui te sera divin.

Marie de Heredia

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