Il y a partout dans les campagnes de ces endroits qu’on appelle le bout du monde, qui vous laissent croire à une imminence de l’infini. C’est une route vers le haut de sa côte, une arête de rochers à l’horizon, un plan de cailloux vibrant comme un plateau de balance où se pèsent des tonnes de soleil concassé. Chacun, en outre, a fait de bonne heure sa propre expérience dans ce domaine : dans le couloir d’un appartement, au coin d’une rue, tout au fond du jardin sous les petites dragées de l’ortie blanche, partout. Car le monde à vrai dire n’est fait que de bouts du monde, mais il faut de l’entraînement pour s’en rendre compte et s’y accoutumer.
Jacques Réda - extrait de "L'Herbe des talus"
Né le 24 janvier 1929 à Lunéville, en Lorraine, Jacques Réda, autoproclamé «l’un des derniers dinosaures» de la poésie française, qui écrivait au stylo-plume et gardait ses distances avec les ordinateurs, est mort lundi 30 septembre, à l’âge de 95 ans, ont appris les éditions Gallimard. L’on retiendra de lui qu’il fut longtemps l’incarnation en vers et en prose d’une insolente jeunesse, joueuse et curieuse, infatigable arpenteur de la capitale et de ses environs (à pied, vélo ou Solex), où il trouvait partout, lors de ses pérégrinations, matière au saisissement, à l’éblouissement... (extrait de Libération)
Chaque arbre est un caractère
Dont la forme sort de terreTout comme de notre esprit,
Sans qu'on les ait prononcées,
Des paroles, des pensées
Que l'on fixe par écrit.
Elles font, dans le langage,
Une sorte de branchage
Aussi net et régulier
Que ceux du chêne et du hêtre
Qu'une loi condamne à n'être
Ni frêne ni peuplier.
Leçons de l'arbre et du vent
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