"Il faut une tenue d'âme, être à la hauteur des splendeurs de la vie, ou tenter de l'être, se dire que tout peut s'arrêter, basculer, c'est peut-être la seule manière de se lever chaque matin." p 236
Jess après avoir subi une perte douloureuse décide de se retirer à Venise. Logée dans un appartement qu'on lui a prêté, elle propose des visites de la ville, s'enivrant de la beauté des ruelles et de ces heures hors du temps, comme suspendues. Mais l'appartement est mis en vente, elle doit quitter le lieu et donc trouver d'autres ressources. Elle accepte alors un travail chez Maxence Darsène, avocat pénaliste vivant sur l'île de Torcello avec son compagnon Colin. Maxence souhaite redessiner, reconstituer, sauver les jardins qui bordent sa maison, depuis toujours livrés aux ravages de la montée des eaux... Ce lieu calme, isolé est propice au retrait et à la contemplation chère à Jess et devient le symbole de son chemin intérieur. Au fur et à mesure que l'héroïne s'imprègne de la beauté mélancolique de l'île et de ses jardins, elle rencontre des personnages qui, chacun à leur manière, incarnent une part du passé ou de la quête de sens qu'elle poursuit.
"Je crois aussi qu'il faut laisser filer les choses sans importance et trouver le temps de savourer celles qui en ont."
J'ai retrouvé tout ce que j'apprécie chez Claudie Gallay : cette écriture épurée, lente et mesurée, cet univers doux baigné de lumière, et ces personnages sur le fil capables de s'émerveiller d'un détail :
"Un papillon bleu entre par la fenêtre ouverte. Il vole dans la chambre. Les papillons ne font pas de bruit, mais en étant très attentifs, on peut entendre battre leurs ailes, et dans ce bruissement à peine audible, se tient quelque chose d'immensément grand que Jess ressent et qu'elle ne parvient pas à nommer, et qui est la force ou la poésie commune à toutes formes de vie." p186
L'île de Torcello et ses jardins abandonnés baignent dans une ambiance presque mystique, nimbant le roman d'un voile doré.
Les Jardins de Torcello est un roman subtil, porté par l'atmosphère magique de l'île vénitienne, et par le cheminement intime d'un personnage en quête de sens et de paix intérieure. Claudie Gallay réussit une fois de plus à capter les nuances de l'âme humaine et la beauté du monde et à les traduire avec délicatesse dans un cadre à la fois poétique et profond.
"L'aigle et la rose ne doivent pas nous faire oublier la beauté du moineau et du pissenlit." p 265