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Ozanges, de Richard Millet

Publié le 25 septembre 2024 par Francisrichard @francisrichard
Ozanges, Richard Millet Pourquoi avoir accepté ce qui était moins une invitation qu'une suggestion? La beauté de la jeune femme? Curiosité? Ennui? Remords de négliger ma terre natale? Ou bien pour le seul nom du château, Ozanges [...]?

Pascal Bugeaud est écrivain. Il n'a pas d'autre corde à son arc. S'il retourne dans le haut Limousin, c'est moins pour lire des extraits de son dernier livre, La Place forte pour donner suite à la suggestion de la belle jeune femme., devant des lecteurs à présent peu nombreux que

Cette dernière, tchèque, se prénomme Milanka. Elle est venue, avec un enfant, le chercher en voiture à la gare d'Ussel où il est arrivé par l'autorail. Ozanges est le château où elle a vécu avec son mari et où leur enfant a grandi. Elle s'y rend de temps à autre par piété envers lui.

Après avoir franchi la grille, le château fut soudain là - le passé simple répondant à la solennité du moment à quoi les éléments participaient, puisqu'il avait cessé de neiger et que la lune entrouvrait les nuages: l'ancienne langue a encore son mot à dire, aurait-il pu susurrer ...

Ozanges est le récit de la nuit que le narrateur passe seul dans ce château, afin d'être à pied d'oeuvre pour la séance de lecture prévue le lendemain à la librairie Tintignac à Uxeilles, non sans avoir pris préalablement un repas avec l'enfant et Milanka, fidèle lectrice de ses livres.

En fait il n'a pas osé dire à Milanka qu'il aurait préféré dormir ailleurs et qu'il appréhendait d'y être seul. Aussi l'a-t-il rassurée quand elle lui a demandé en partant . Il lui aurait bien répondu qu'il était venu pour ça, sans préciser quoi, ne le sachant pas bien, ni Milanka:

Elle devait être tout simplement heureuse de [lui] offrir l'hospitalité dans un cadre hors du commun et aussi révolu que les mondes d'où [ils venaient], les derniers paysans, pour [lui], tout comme, pour elle, le communisme soviétique.

Il retrouve une solitude dont [il a] cessé de croire qu'elle est essentielle à l'écrivain. Il passe une mauvaise nuit, entendant des bruits, auxquels succède un silence qu'il n'ose pas troubler, épuisé, sans défense devant le sommeil comme dans la veille, murmurant des prières.

Puis il visite le château, pièce par pièce: [il partait] du principe [qu'il aurait] moins peur en questionnant respectueusement le château qu'en demeurant dans [sa] chambre. Peut-être aurait-il mieux fait de rester sur son lit... mais ne doit-il pas achever ce qu'il a entrepris?

Hanté cette nuit-là par des musiques et des livres, il va jusqu'au bout de sa visite et tâche d' écrire correctement, comme le lui recommandait sa mère, qui s'affligeait que dans un monde presque déchristianisé, la langue était abandonnée à l'impiété et aux hérésies syntaxiques...

Francis Richard

Ozanges, Richard Millet, 128 pages, Samuel Tastet Éditeur

Précédents billets sur des livres de Richard Millet:

Fatigue du sens (17 décembre 2011)

La souffrance littéraire de Richard Millet (21 septembre 2012) :

- Langue fantôme, suivi de, Éloge littéraire d'Anders Breivik - Intérieur avec deux femmes

- De l'antiracisme comme terreur littéraire

Trois légendes (21 novembre 2013)

L'Être-Boeuf (3 décembre 2013)

Une artiste du sexe (30 décembre 2013)

Le corps politique de Gérard Depardieu (25 novembre 2014)

Solitude du témoin (3 mai 2015)

Province (28 juin 2017)

Étude pour un homme seul (17 mai 2019)

Français langue morte suivie de l'Anti-Millet (30 juillet 2020)

Paris bas-ventre, suivi de, Éloge du coronavirus (22 juillet 2021)

Nouveaux lieux communs (8 juin 2024)


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