Critique Ciné : Les Trois Fantastiques (2024)

Les Trois Fantastiques // De Michaël Dichter. Avec Diego Murgia, Emmanuelle Bercot et Raphaël Quenard.

Les Trois Fantastiques, réalisé par Michaël Dichter, est un film qui avait toutes les promesses pour offrir une vision rafraîchissante du teen movie en France. Cependant, malgré ses ambitions, ce premier long-métrage peine à atteindre son plein potentiel. Situé dans un cadre social et géographique peu souvent exploré dans ce type de production - les Ardennes frappées par la désindustrialisation - il mélange plusieurs genres, mais sans parvenir à les harmoniser pleinement. Le film se déroule dans une petite ville grise des Ardennes, un lieu marqué par la fermeture imminente de sa principale usine, symbole de la crise économique qui frappe la région. Ce contexte social difficile imprègne tout le film, ajoutant une dimension pesante à ce qui aurait pu être une simple aventure adolescente. Michaël Dichter tente ici de capturer l'atmosphère morose de cette France périphérique, où les rêves de la jeunesse se heurtent à une réalité brutale.

Max, Vivian et Tom, 13 ans, sont inséparables. Ce début d'été est plein de bouleversements : la dernière usine de leur petite ville des Ardennes ferme tandis que Seb, le grand frère de Max, sort de prison. Ses combines vont peu à peu entraîner les trois adolescents dans une chute qui paraît inéluctable...

Si le décor est efficace pour poser une ambiance oppressante, il crée aussi une dissonance avec le ton plus léger que l'on pourrait attendre d'un teen movie. L'amitié entre les trois protagonistes adolescents, Max, Vivian et Tom, est au cœur du récit. Leur solidarité, mise à l'épreuve par les événements, est sans doute l'aspect le plus touchant du film. Cependant, on a l'impression que l'histoire veut traiter trop de sujets à la fois : la fermeture de l'usine, la dépression de la mère de Max, la réinsertion difficile de Seb, le frère aîné de Max, tout en essayant d'intégrer des éléments de harcèlement scolaire, d'internet, et même de trafic de drogue. Ce trop-plein d'intrigues affaiblit l'ensemble, rendant la progression narrative parfois confuse et manquant de profondeur sur certains points cruciaux. L'un des atouts indéniables de Les Trois Fantastiques réside dans les performances de ses jeunes acteurs, notamment Diego Murgia dans le rôle de Max.

L'attachement entre les trois amis est palpable, et leur relation est le moteur émotionnel du film. Cependant, certains moments semblent trop surjoués, ce qui nuit à la crédibilité des personnages. Ce surjeu, sans doute dû à une direction d'acteurs perfectible, crée un fossé entre les spectateurs et les protagonistes, les empêchant de pleinement s'immerger dans leurs aventures. Côté adultes, Raphaël Quenard et Emmanuelle Bercot sont des habitués des rôles intenses et dramatiques. Quenard, qui incarne Seb, le frère de Max tout juste sorti de prison, livre une performance solide, bien qu'un peu en-deçà de ses prestations habituelles. Emmanuelle Bercot, quant à elle, incarne une mère dépressive et absente, un rôle qui, bien que bien joué, reste trop en retrait pour marquer durablement le spectateur. Ce contraste entre la qualité des interprétations adolescentes et celles des adultes accentue le manque de cohérence entre les différents univers que le film tente de marier.

Michaël Dichter s'attaque à plusieurs genres dans Les Trois Fantastiques : drame social, teen movie, suspense, voire film d'aventures. Ce cocktail audacieux est certainement une prise de risque notable, mais l'alchimie n'opère pas toujours. Alors que certains moments de suspense sont réussis, d'autres frôlent l'invraisemblance, ce qui tend à décrédibiliser l'intrigue générale. Par exemple, les scènes d'action, bien que dynamiques, manquent parfois de réalisme et donnent au film un côté trop fantaisiste par rapport à son ancrage social très sérieux. Cette volonté de mélanger les genres crée une confusion sur la véritable identité du film. Il est difficile de savoir si l'on doit le prendre comme un pur divertissement pour adolescents ou comme une critique sociale plus profonde. Dichter semble vouloir traiter de la désillusion de la jeunesse face à un avenir incertain, tout en injectant des éléments de comédie et d'aventure, mais le résultat est un film qui, malgré de bonnes intentions, manque de consistance.

Le scénario de Les Trois Fantastiques est bien structuré, avec des rebondissements qui maintiennent l'intérêt du spectateur tout au long du film. Cependant, l'accumulation de sous-intrigues affaiblit le propos principal. Le sujet du déterminisme social, par exemple, est abordé de manière trop superficielle. On devine que Max, pris entre deux mondes - celui de ses amis et celui de son frère délinquant -, est destiné à choisir son chemin, mais cette thématique aurait mérité d'être mieux exploitée. De même, le film ne développe pas assez les relations entre les trois amis, pourtant au centre de l'intrigue. On aurait aimé en savoir plus sur leur dynamique, leurs conflits intérieurs ou leur évolution, ce qui aurait donné plus de profondeur au récit. En fin de compte, le film laisse une impression d'inachevé, comme s'il avait voulu dire trop de choses sans vraiment les explorer en profondeur.

En somme, Les Trois Fantastiques est un film audacieux qui tente de régénérer le teen movie français en y intégrant des éléments sociaux et dramatiques forts. Cependant, cette ambition se heurte à une exécution parfois maladroite, notamment en raison de l'accumulation de thématiques qui finissent par se diluer. Malgré cela, Michaël Dichter prouve qu'il a un vrai potentiel en tant que réalisateur, avec une mise en scène efficace et des acteurs adolescents convaincants. Il lui reste cependant à affiner son écriture pour trouver un meilleur équilibre entre fond et forme.

Note : 5/10. En bref, un essai audacieux mais imparfait.

Sorti le 15 mai 2024 au cinéma - Disponible en VOD