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Mi-mage, mi-kremlin

Publié le 28 septembre 2024 par Morduedetheatre @_MDT_
Mi-mage, mi-kremlin

Critique du Mage du kremlin, librement adapté du roman de Giuliano da Empoli, vu le 6 septembre 2024 à La Scala Paris
Avec Hervé Pierre, Karina Beuthe Orr, Philippe Girard, Andranic Manet, Stanislas Roquette, Claire Sermonne, Irène Ranson Terestchenko, mis en scène par Roland Auzet

A l’annonce de l’adaptation du Mage du Kremlin au théâtre, j’étais tiers-dubitative – je n’ai pas adoré le roman à la hauteur de mes attentes, en tout cas à la hauteur des critiques qui pullulaient de partout – tiers curieuse – pourquoi adapter ce roman ? qu’est-ce que la scène apportera de plus que l’écrit ? – tiers-enthousiaste – Hervé Pierre, toujours, que je suis encore plus attentivement depuis son départ de la Comédie-Française. C’est l’enthousiasme qui a pris le dessus lorsque j’ai découvert l’entièreté de la saison de la Scala : tout ou presque me fait envie. Et c’est la déception qui a finalement été gagnante de ce combat au sortir du spectacle. Tout cette palette d’émotions, pour ça.

Comment résumer le Mage du Kremlin ? Ou en tout cas, comment résumer l’adaptation théâtrale qui en a été faite ? Le mage du kremlin, c’est Vadim Baranov, l’homme qui murmurait à l’oreille de Poutine. Il va raconter son histoire, et donc celle de l’accession au pouvoir de Vladimir Poutine. C’est donc une plongée dans les mécanismes du pouvoir, mais aussi dans l’histoire de la Russie. Et c’est pas simple, l’histoire de la Russie.

Ça commence vraiment très mal. Le début du spectacle consiste en un déplacement tout à fait inutile du décor. Genre, le décor est dans une position quand les spectateur s’installent, et les comédiens changent tous les meubles de place avant de commencer la première scène. C’est le genre de truc de mise en scène gratuit, déjà un peu désuet, qui ne me met pas dans les bonnes conditions. Et la suite est pire. La première scène est longue. Très longue. Trop longue. Interminable, en fait. Et, a posteriori, difficilement reliable au reste. Je finis par décrocher. Je fais des grimaces dans le miroir. Je regarde Armelle Héliot qui pique du nez. J’attends la suite.

Et puis la première scène se termine. Et on entre enfin dans le vif du sujet. Et c’est là que le spectacle commence à présenter de multiples personnalités. Il y a cette mise en scène inutilement agressive pour les yeux, pour les oreilles, mi-kitsch mi-électro, qui vient remuer trop régulièrement la salle et semble en totale dissonance avec ce texte parfois trop verbeux, parfois trop littéraire, qui tente de s’articuler entre les différents personnages. Parlons-en, de ce texte. Lui aussi a de multiples personnalités. Certaines scènes fonctionnent mieux que d’autres : certains dialogues semblent construits et paraissent interminables quand d’autres, souvent des monologues construits comme des morceaux de bravoure, moins artificiels, fonctionnent bien mieux.

En analysant davantage le texte, un petit couac se fait connaître. Je me rends compte que c’est souvent lors des scènes impliquant les personnages féminins que je m’ennuie. Mince, voilà mon féminisme qui en prend un coup. Ceci étant, c’est bizarre, je ne me souviens pas qu’il y ait tant de personnages féminins dans le roman. Je ne me souviens que d’un. Or, sur scène, elles sont quatre. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, alors les personnages féminins sont bien ajoutés. Ajoutés ou non, une chose est sûre : la plupart des personnages féminins ne servent à rien. Quatre hommes, quatre femmes – pour l’égalité entre les genres, c’est chouette, mais pour l’égalité de qualité des dialogues, on repassera.

Bon, et malgré tout ça, pourquoi on reste ? On reste parce que quand même, il faut bien le reconnaître, Philippe Girard est exceptionnel. Il semble porter dans sa chair le poids des souvenirs de ses années de travail au côté de Poutine. Il a quelque chose de glaçant, il maîtrise constamment une colère sourde qui voudrait s’échapper, il est digne, imposant, incroyablement tragique, sans jamais rien forcer. Il semble mettre dans ce rôle, dans cette histoire, dans ce spectacle, une détermination et une forme de rage semblable à celle de son personnage, prenant conscience du monstre qu’il a contribué à nourrir.

J’ai tenté. Je n’avais pas adoré le roman, je n’ai pas davantage adhéré à son adaptation théâtrale. Mon accompagnatrice, qui n’avait pas lu le roman, s’est davantage intéressée aux passages parlant de la Russie. A bon entendeur… ♥


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