La libéralisation des jeux en ligne aiguise les appétits
Le marché français du jeu en ligne devra s'ouvrir à la concurrence au deuxième semestre 2009. Le ministre du budget, Eric Woerth, l'a confirmé vendredi 6 juin, lors d'une conférence de presse organisée à Roland-Garros. Avant de faire une communication devant le conseil des ministres, mercredi 11, et deux jours après avoir rencontré le commissaire européen McGreevy, M. Woerth a précisé la position du gouvernement français.
Une autorité de régulation doit être créée. A elle de définir les appels d'offres, les cahiers des charges, et d'attribuer les agréments. Selon M. Woerth, l'agrément pourra être donné pour une durée de cinq ans. Le ministre s'est déclaré défavorable au principe de reconnaissance mutuelle, qui ferait qu'un acteur opérant à Malte ou à Gibraltar soit automatiquement reconnu en France. Mais il se refuse à chiffrer le nombre d'opérateurs qui pourraient être admis. Il a toutefois ajouté : "Cela m'étonnerait que vingt acteurs puissent le faire."
En termes de calendrier, le texte législatif cadrant ces nouvelles dispositions doit être présenté à l'automne ; l'autorité de régulation devrait être mise en place début 2009 et les autorisations délivrées au deuxième semestre 2009.
Beaucoup de points restent à régler, en particulier celui de la fiscalité. Pour Bercy, une chose est sûre : pas question de laisser les recettes provenant des jeux d'argent, un montant estimé à 5 milliards d'euros par an, s'éroder. M. Woerth s'est dit aussi déterminé à veiller à la préservation du financement de la filière hippique, un rôle dévolu jusqu'alors au PMU, et au retour financier vers le sport, que ce soit par un pourcentage prélevé sur le montant des enjeux ou en autorisant les organisateurs d'événements sportifs à négocier une vente de droits sur les paris sportifs.
NOUVEAUX ACTEURS SUR LE NET
Les appétits sont grands, même si le marché reste difficile à quantifier. M. Woerth a avancé le chiffre de 5 à 7 milliards d'euros.
Le lobbying très intense des différents acteurs va donc se poursuivre. Cette perspective de libéralisation ne laisse aucun acteur indifférent. Elle a donné des ambitions aux intervenants de toute nature, qu'ils soient à classer du côté des start-up ou de celui des opérateurs historiques.
Au sein des deux catégories, on recense des opérateurs qui, du jour au lendemain, peuvent être opérationnels. C'est le cas de Zeturf, site de paris hippiques basé à Malte. Emmanuel de Rohan-Chabot, son directeur général, revendique déjà, à l'issue de trois années d'activité, près de 60 000 clients inscrits. C'est aussi le cas d'autres nouveaux acteurs du pari sportif en ligne, comme Bwin, SportingBet, Unibet ou Betfair.
Devant cette concurrence annoncée, les opérateurs historiques que sont le PMU, la Française des jeux et les casinotiers français, préparent la riposte.
Ces derniers, par exemple, s'essaient au marché britannique en attendant de pouvoir opérer en France. Profitant de l'Euro, le groupe Partouche devrait lancer à partir du 9 juin son site de paris sportifs, partouche-betting.com. Pour sa part, le groupe Lucien Barrière, qui a demandé une licence maltaise, lancera à l'automne un site de jeu en ligne payant outre-Manche et "for fun" en France, avant de le rendre à son tour payant.
La Française des Jeux, qui fait déjà du pari sportif en ligne s'apprête à bousculer les codes du loto à l'automne.
Quant au PMU, il a annoncé début mai l'acquisition de Geny Courses, une société spécialisée dans l'information hippique et la prise de paris. Une opération menée avec la société d'investissement Serendipity, dont les actionnaires sont Bouygues et Pinault. Une opération qui traduit l'intérêt des nouveaux investisseurs de poids pour le jeu en ligne. Ainsi Bernard Arnault s'est-il associé à Stéphane Courbit, qui envisage le rachat du britannique Betclick, spécialisé dans les paris et les jeux de casino.
François Bostnavaron et Laurence Girard