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Orange vs Canal +, début des hostilité

Publié le 05 août 2008 par Jérémy Dumont

Foot

 

A Canal +, on a trouvé un surnom au rival : Casimir. Mais le monstre Orange ne fait pas rire du tout la chaîne cryptée. Depuis six mois, d’un état-major à l’autre et par presse interposée, les coups volent bas dans un milieu où ce genre de règlements de compte ne se pratique pas en public. « Le monopole de la télévision payante est terminé », plastronne Didier Lombard, PDG d’Orange. « Une concurrence brutale par l’argent », se plaint Rodolphe Belmer, de Canal +. Aussitôt Orange rétorque que Canal + fait rien qu’à empêcher les producteurs de cinéma de travailler pour lui. Même pas vrai d’abord, répond Canal +.

Demain, les hostilités montent d’un cran avec le lancement de l’offre de télé par satellite d’Orange, pile-poil dans le jardin de Canal +. Ce serait un peu la guerre des anciens contre les modernes : d’un côté, la télé, de l’autre, les télécoms. D’un côté, la télé qu’on regarde avachi dans son canapé, de l’autre de la télé partout, quand on veut et sur n’importe quel support. Sauf que, pour l’heure, Orange n’a que peu de jus à mettre dans ses tuyaux face à un Canal surpuissant du côté des programmes.

En attendant de prendre peut-être un tour judiciaire, la baston porte aussi sur l’exclusivité pratiquée par Orange. L’opérateur réserve en effet à ses seuls abonnés sa chaîne de foot. En gros, l’amateur éclairé de ballon devra être à la fois abonné à Canal + et à Orange –donc aussi au téléphone et à l’Internet d’Orange– pour suivre l’intégralité du championnat. Même dilemme pour l’abonné à Free ou Numéricâble, obligé d’en passer par Orange. Et Canal + de contester à juste titre cette exclusivité, exclusivité que la chaîne a longtemps pratiquée elle-même à l’encontre des rivales... Bref, de la baston et des gnons mais numériques, s’il vous plaît.

Quelle force de frappe ?

Orange : 24 millions de foyers
L’offre satellite d’Orange, lancée demain, couvre d’emblée la quasi totalité du territoire, soit 24 millions de foyers. C’est le double de ce à quoi Orange pouvait jusqu’à présent prétendre avec la télévision par ADSL, qui nécessite d’être proche des installations de France Télécom. Le lancement est chaotique –les décodeurs satellite livrés à partir de demain devront être remplacés par d’autres à la rentrée– mais Orange roule des mécaniques. Il s’agit de triple play (qui veut la télé par satellite doit aussi prendre Internet et le téléphone, le tout pour 29,90 euros par mois) mais surtout l’opérateur propose une offre « délinéarisée ». C’est-à-dire qu’on peut commencer à regarder son film sur son portable, le poursuivre sur la télé et le terminer sur l’ordinateur. Et ce, sans contrainte des grilles de programmes des chaînes puisqu’il suffira de piocher à son gré dans l’offre de vidéos à la demande.

Canal + : 300 chaînes
Ah, ils se croyaient les rois du pétrole chez CanalSat depuis qu’ils avaient bouffé tout cru le bouquet satellite rival TPS (TF1 et M6) en 2005. Un joli petit monopole que voilà : plus de 300 chaînes et services dont 58 en exclusivité. Un monopole que vient écornifler Orange avec ses gros sabots. Au grand dam de Canal + qui n’entend pas se faire piétiner les plates-bandes de la sorte. L’offre télé d’Orange ? Pff, Canal + Le Bouquet allié à une offre triple play, c’est moins cher dit-on à Canal +, pasque Orange, eh ben ils font payer en plus la ligne téléphonique et le décodeur, nananèreu. Quant à l’offre CanalSat avec triple play, elle serait équivalente en prix à celle d’Orange. Non mais ! Et Canal + a beau jeu de faire remarquer que non, ils ne sont pas la bonne vieille télé, et que eux aussi sont accessibles sur téléphone mobile ou encore Internet avec leur service de catch-up TV...

Quels programmes ?

Orange : Du foot en attendant
Pour l’heure un peu riquiqui sur le satellite (vingt chaînes de la TNT ainsi que neuf autres payantes) par rapport à l’ADSL (plus de soixante chaînes), l’offre télé d’Orange s’enrichira le 9 août avec Orange Foot. Il s’agit des fameux droits de la Ligue 1 qu’Orange a chèrement payés  : 140 millions d’euros pour un seul match le samedi. Et Orange a monté une chaîne, simplement autour de cette rencontre, facturée 6 euros par mois. Pour le reste de la grille, Orange évoque une « série de magazines » et assure que la chaîne sera « nourrie toute la semaine ». A voir. En matière de programmes, le second coup de semonce d’Orange est attendu entre la rentrée et la fin de l’année : six nouvelles chaînes seront lancées, dont une en haute définition, toutes sur les thématiques, chère à Canal+, du cinéma et des séries. Elles seront alimentées grâce à plusieurs contrats chipés à la chaîne cryptée : Orange a signé avec le studio américain Warner, le français Gaumont et la chaîne HBO qui lui livrera ses nouvelles séries.

Canal + : Sport et ciné à gogo
Un match de foot et deux-trois contrats avec des studios américains, la belle affaire ! Si Orange a annoncé vouloir investir 200 millions d’euros dans les contenus télé en 2008, le coût de la grille de Canal + est de 1,3 milliard par an (2,2 milliards pour tout le groupe). Près de 450 films, dont 300 en première exclusivité pour le grand argentier du cinéma français. Le sport ? Canal + a créé une déclinaison, Canal + Sport, pour y caser tous ses droits. Certes, Orange a un match de Ligue 1 par semaine, mais Canal + a les neuf autres, de même que la Premier League anglaise, la Bundesliga allemande, la Liga espagnole... Côté studios américains, Orange a Warner (mais pas les séries) ; Canal + a tous les autres studios. Quant à HBO, on se fait un malin plaisir de souligner du côté de la chaîne cryptée que le contrat (arraché à grands coups de biffetons) porte sur les nouvelles séries et que, de ce côté-là, HBO semble avoir perdu la main. Canal + a quant à elle les droits de Pacific, la grosse série HBO à venir.

Quelle téléphonie mobile ?

Orange : Merci l’iPhone
Orange se conjuguera cet été avec l’iPhone. La première version, poussive, a été une formidable opération de com, reconnaît-on chez l’opérateur. Enormément de bruit médiatique pour un minimum de dépenses publicitaires et 90 000 mobiles écoulés péniblement à Noël, comparé aux 1,5 million d’autres portables vendus sur le seul mois de décembre. Et voilà que l’iPhone 2 débarque en France, pour le 14 juillet. Et il pourrait se transformer en locomotive, dopant les ventes et les usages Internet. Orange, après avoir juré qu’il ne braderait pas l’iPhone –399 euros pour la première version–, vient d’annoncer un prix de 149 euros qui fait hurler les premiers fans de la marque à la pomme qu’on a pris, disent-ils, pour des poires. L’iPhone est en passe de redonner de la couleur à Orange, en recul de deux points sur le marché du mobile (44 % contre 34 % pour SFR), depuis 2006.

Canal + : Le Net illimité
Rebelote. SFR est en train de préparer à nouveau la riposte à l’iPhone. L’été dernier, SFR et son actionnaire Vodafone avait vainement tenté d’arracher l’exclu à Orange. Son coup d’éclat, les « illimythics », le premier forfait d’Internet illimité sur le mobile. Lancé une semaine avant l’iPhone. D’accord, l’accès était un peu bridé –impossible de télécharger librement de la musique sur des réseaux peer to peer– mais l’opérateur a forcé ses concurrents à suivre. Dont Orange, obligé de réviser à la hausse ses forfaits. Résultat brillant chez SFR : 400 000 forfaits vendus dont plus de la moitié avec le plus beau mobile technoïde du moment, le Nokia N95. Dans le métier du mobile, c’est à celui qui a les plus beaux appâts et SFR dit avoir la plus belle couverture 3G (70 % de la population) et aussi le réseau le plus performant, « on est les premiers depuis quatre ans, en qualité ».

Quel Internet ?

Orange : La bataille de la fibre
Faudrait pas se tromper de combat. « Nos vrais concurrents sont à l’échelle mondiale, ce sont les Yahoo et les Google », dit-on chez Orange. Ceci dit, la charge de SFR-Neuf Cegetel contre l’opérateur historique accusé de s’engraisser avec le bon vieil abonnement au fixe est un mauvais procès : « Le marché du fixe et de l’ADSL est le plus concurrentiel d’Europe », se défend Orange. En tout cas, le chantier débutant de la fibre –future autoroute d’Internet– promet une belle baston : « On est d’accord pour ne pas éventrer chacun les trottoirs », et donc partager le coût faramineux du déploiement, promet le puissant Orange, favorable à un peu de mutualisation mais pas trop. Il refuse qu’un jour, on le force à ouvrir son réseau de fibres à ses concurrents, alors qu’il aura été le seul à l’avoir déployé  : « On est au début d’une nouvelle ère où tout le monde part de zéro. » Un peu parano, l’opérateur public soupçonne SFR-Neuf Cegetel, et accessoirement Free, de ne pas déployer vraiment la fibre sur le terrain. Et, prudent, fait même procéder dans la rue à des constats d’huissiers. Au cas où...

Canal + : Haro sur le fixe
« Retour du monopole », « rente excessive », les qualificatifs s’empilent pour stigmatiser l’ultra-puissance d’Orange. Le premier scud de SFR-Neuf Cegetel est pour l’abonnement au fixe. Passé en l’espace de trois ans de 13 euros à 16 euros par mois et payé pour partie par une clientèle « psychologiquement captive », abonnée à vie à l’ex-opérateur public, historique et donc super-rassurant. « Regardez la marge qu’il réalise sur le fixe  : 6,5 milliards d’euros !, tempête SFR, Nous, le deuxième opérateur de France, on ne dégage que 720 millions ». Haro donc sur l’opérateur historique qui accapare 85 % de la richesse assise sur le monopole du fixe. A la veille du déploiement de la fibre optique, le méga-chantier du XXIe siècle, SFR-Neuf Cegetel plaide pour un déploiement mutualisé, afin de faire baisser les coûts. Allié à Free, il veut que l’accès à la fibre déployée dans l’immeuble se fasse depuis une armoire située à l’extérieur, dans la rue, afin que tous les opérateurs puissent se connecter. Parce qu’« on sait qu’Orange nous mettra des bâtons dans les roues pour entrer ».

ARTICLE : Catherine Maussion, Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos

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