On connait l’histoire mais résumons par sécurité : La Marquise de Merteuil sollicite son ancien amant, le Vicomte de Valmont, pour lui proposer un défi immoral : elle souhaite se venger d’une ancienne infidélité en corrompant la jeune Cécile de Volanges, tout juste sortie du couvent, en lui faisant perdre sa virginité avant son prochain mariage. Valmont, quant à lui, s’est mis en tête de séduire Madame de Tourvel, une jeune femme mariée et pieuse.On ne badine pas avec l’amour, et certaines liaisons, dangereuses, peuvent s’avérer fatales …
Regardez bien cette affiche. Il manque des protagonistes mais elle évoque un jeu de mikado. Il suffirait que tombe l’un d’entre eux pour que l’édifice s’écroule. Jusqu’où Merteuil réussira-t-elle à demeurer reine dans l’art de la manipulation ? Sans doute aurait-elle pu sortir gagnante si elle n’était animée que par la perversité. Sa motivation principale nous est clairement rappelée. C’est la vengeance et elle n’aura pas de limite, quitte à se perdre elle-même.Si Arnaud Denis a respecté l'esprit des quelque 175 lettres que comporte le plus long roman épistolaire de tous les temps, composé par Choderlos de Laclos, il a aussi puisé dans La philosophie dans le boudoir du Marquis de Sade et il a écrit quelques scènes afin de rendre les joutes oratoires plus fluides. Et surtout, il a considérablement élagué (en ne conservant que les personnages essentiels) de manière à donner davantage de cohérence à l'ensemble. Voilà pourquoi tout s'enchaine si bien et qu'on a le sentiment d'une grande modernité malgré de grandioses décors (néanmoins simples de Jean-Michel Adam) s'inscrivant dans l'époque, éclairés de main de maître par Denis Koransky. Et les costumes élégants de David Belugou.
Arnaud Denis a bien choisi la musique. On ne pouvait pas trouver mieux que la symphonie N°7 de Beethoven pour accompagner les premières minutes. Il a su doser dans les dialogues la perversité comme la candeur en y glissant un humour qui n’est jamais malsain. Il dirige ses comédiens comme un chef d’orchestre. Le résultat est magnifique et ils ont raison de savourer leur bonheur comme on le voit sur cette photo où ils sourient en cherchant leur metteur en scène dans la salle sous nos regards complices et heureux.Valentin de Carbonnières confirme le sien … de Molière de la révélation masculine pour son rôle dans Sept morts sur ordonnance au Théâtre Hébertot après avoir été remarqué dans Le portrait de Dorian Gray mis en scène par Thomas Le Douarec, et plusieurs autres pièces auparavant comme Kamikazes ou Hétéro en 2014.La plupart se connaissent bien, et depuis longtemps, ce qui doit faciliter le travail. On est heureux aussi de revoir sur une scène Michèle André dont on a beaucoup entendu la voix. Elle doubla notamment Shirley MacLaine, Anjelica Huston et Géraldine Chaplin dans Le docteur Jivago. Cela faisait quelque temps qu’elle avait déserté la scène, depuis je crois 2006 quand elle jouait dans Les Revenants d'Henrik Ibsen, mis en scène par … un certain Arnaud Denis.Elle campe ici la charmante et attentionnée tante de Valmont, Madame de Rosemonde, faisant partager deux passions à la mode, celle du chocolat chaud (la tablette n’avait pas encore été inventée) et celle des dindons dont elle loue la beauté et l’intelligence (comme le faisait Louis XIV à Versailles).Marjorie Dubus (Cécile Volanges) est une fraîche demoiselle qui n’est pas si naïve qu’elle n’en a l’air et qui ne se plaint guère de goûter aux plaisirs dès lors qu’elle découvre qu’on peut être agréablement émoustillée. Et Pierre Devaux (Danceny) comme Guillaume de Saint Sernin (le valet) ne déméritent pas.Ceux qui aimeraient connaître la suite du grand théâtre des liaisons n’auront qu’à prier pour que Merteuil soit prochainement repris. La pièce, écrite par Marjorie Frantz, mise en scène l’an dernier par Salomé Villiers (avec Arnaud Denis en voix off) imagine les retrouvailles entre Cécile Volanges et Merteuil bien des années après le drame. On y comprend comment l’amour ne mène pas au bonheur, pour personne.
Costumes David Belugou
Lumières Denis Koransky
Avec Delphine Depardieu, Valentin de Carbonnières, Salomé Villiers, Michèle Andre, Pierre Devaux, Marjorie Dubus et Guillaume de Saint SerninA partir du 20 septembre 2024, du mercredi au samedi 21h, dimanche à 16h
A la Comédie & Studio des Champs-Elysées - 15, avenue Montaigne - 75008 Paris
Tél : 01 53 23 99 19