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Nous serons néant

Publié le 24 septembre 2024 par Paulo Lobo
Nous serons néant
Je sais pertinemment que vous ne voulez pas de moi. Je ne prétendrai pas que cela m’est indifférent. Mais soit. Le silence est une goutte d’or plongée dans l’opacité de l’océan. Chaque goutte, un élixir. Chaque fragment, un secret enfoui au cœur de la mémoire. J’écoute ce silence qui ne dit rien. J’écoute le vent et j’attends. Un jour, cette pierre se soulèvera, elle écrira avec force et elle dira : 'Je veux marcher'. 

Puis, elle gravera sur des parchemins dorés tout un tas de pensées vaines, secrètes et invisibles.

Et elle gravira des montagnes, aussi.

Tant de petits égos criant 'Regardez-moi. Je suis là, j'existe, je vivrai pour l’éternité !'.

Ils seront inévitablement effacés, non seulement de la terre, mais aussi de la mémoire du temps. Alors, au lieu de dire 'moi, ici, là, maintenant, moi, pour toujours, moi', il faudrait respirer, faire, partager. Et un jour tout recommencera. Nous nous habituerons, nous nous déshabituerons. Nous nous dépouillerons, rat après rat, tout sera pareil et pourtant rien ne sera comme avant. Nous ne serons plus là. Nous serons partis, emportés par le vent vers d’autres cieux, enfermés dans une boîte scellée à double tour. Nous serons poussière. Nous serons néant.

Alors, quand vous me dites que vous ne croyez en rien, en êtes-vous si sûr ? À quoi bon, sinon ? À quoi cela mène-t-il ? Il me faut vite acheter un livre de Georges Simenon, avant que mes yeux ne déclarent forfait, épuisés par ce temps de saturation qui nous engloutit dans un tsunami de superficialité. 

Nous restons à la surface, effrayés par les profondeurs. De peur que le requin nous dévore tout entier ou nous arrache une jambe. Ce requin, je le connais bien. Si décrié, un prodige de la nature. Et les humains, ces salauds, qui passent leur temps à le peindre en monstre. Tout n’est qu’intimidation, manipulation. Depuis la naissance jusqu’à la mort. On tend la main, et on se laisse emporter par la vague.

Mon chemin n’est pas votre chemin.
Il est fait de carence, de carottes et d'enclumes.
Je pose un pas après l'autre,
sans me soucier de l'itinéraire.

Comme on dit, ce n’est pas la destination qui compte.
Un voyage est un voyage,
Mais encore faut-il que les jambes soient fortes et robustes,
capables de soutenir le corps dans l'effort.

Le voyage peut être intérieur,
mais il a besoin d’un paysage,
et d’un verre d’eau

sur la petite table de lit.

Sans eau, aucune échappée n’est possible :
pas même au plus profond du désert,
pas même dans les abysses de l’océan,
pas même dans l’infinité obscure de l’espace intersidéral.

Cela fait longtemps que je ne cherche plus ma bonne étoile.
Cela fait longtemps que je râle,
sans aucun effet d’escompte.
Alors la note est salée,
et il faut la payer cash.

Que faire quand on est à découvert ?
Quand le découvert a dépassé toutes les limites prévues par les conditions générales ?
Que faire sinon parler,
mettre des mots les uns à côté des autres,
les voir s’entrechoquer,

sans être choqué, 
susciter des émotions, des réactions.
Penser qu’avec un peu de sel,
on retrouvera des sensations perdues.

Quand on était jeune,
le voyage en apnée,
c’était une question de lumière.
Mais pas seulement.

Il était aussi question de lumière d’hiver,
une lumière si froide,
qu’elle finissait par réchauffer mon cœur.
Je n'étais rien,
comme aujourd’hui,
je ne suis toujours rien.

Imagine un arbre dans une clairière,
autour de cet arbre, des écureuils invisibles.
J’ai hâte de retrouver la plénitude de l’instant,
de savourer la glace aux mille parfums.

Reste-t-il encore un effort à fournir ?
Quel effort dois-je faire pour ne plus y penser ?
Dans ma tête, il y a des voix,
il y a une voix :
Ma voix intérieure.
Je me parle à moi-même en mode silencieux.

Et puis, j’avance sans avancer.
C’est le calme plat.
Tout est question de lumière en ce mois de septembre.
Tout est question d’affaires et de feuilles tristes.

Je ne suis pas un bien-pensant, le fruit de mes pensées ressemble à un bourbier. Les choses s'emmêlent lorsque la police s'en mêle. C'est encore pire, et je ne pourrai pas indéfiniment laisser se déliter le fil de mon existence. Il faudra bien qu'un jour, je tranche. Il faudra bien qu'un jour, je retranche tout ce qui est inutile.

Petit à petit, le singe ravive sa flamme, se laisse glisser le long de la scène, et clame, du haut de sa colline : 'C'est ici que je voudrais finir. C'est ici que je voudrais expirer, ici, maintenant.'

Puis vient ce moment, un respect criant qui émerge des vivants — des êtres vivants, des animaux, des végétaux, des humains. Tout le monde se regarde et un sentiment supérieur éclot, même si, à l'origine, il n'y a que de la poussière. Au départ, il y a la fin. D'ailleurs, il n'y a que de la poussière. Alors, pourquoi toutes ces gesticulations ? Pourquoi toutes ces courses derrière des egos, si c'est pour finir dans l'égout, avec un grand dégoût de soi-même ?


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