Le modèle Alexandra David-Néel

Bon d’accord, on sait qu’il n’y aura pas de femme à la Maison blanche avant perpét. Mais à vrai dire on s’en fiche, non ? D’autres ont œuvré, et bien avant, à la gloire du sexe faible, sans pour autant porter leur genre comme une bannière. Dans ce cas : Alexandra David-Néel, un nom qui nous évoque à tous quelque chose mais une histoire dont on connaît souvent peu le détail. Née à Saint Mandé, le 24 octobre 1868, Alexandra David-Neel est décédée à Digne le 8 septembre 1969. Si vous comptez, ça fait quand même 101 ans, et c’est déjà une performance en soi ! Elle a débuté par une carrière de cantatrice puis elle a vite bifurqué vers ce qui sera la passion et le sujet d’étude de toute sa vie : l’Asie. En fait, de 1905 à 1946, elle sera en partance permanente. C’est avant tout ce qu’on appelle à l’époque une orientaliste, une spécialiste des langues et des religions asiatiques : elle écrira beaucoup sur le taoïsme, le tantrisme et le bouddhisme, auquel se convertira. Pour accéder à ces cultures, elle apprend le sanscrit, la langue des livres saints, puis se mettra au tibétain, au pali (la langue de Ceylan, actuel Sri Lanka). De 1911 à 1924, elle voyage de manière continue: elle ira évidemment en Inde, en Chine, à Ceylan, au Japon, en Mongolie et aussi au Tibet. Elle réussira à entrer à Lhassa, une ville alors interdite aux étrangers, une audace racontée dans « Voyage d’une parisienne à Lhassa. A pied et en mendiant, de la Chine à l’Inde à travers le Tibet », qui lui vaudra la célébrité. De la même trempe qu’un Albert Londres ou un Joseph Kessel, Alexandra David-Neel aura toujours été soutenue par son mari, Philippe Néel, épousé à 36 ans, que ce soit financièrement ou moralement. Elle entretint avec lui une longue correspondance de voyage qui fut publiée à titre posthume sous le nom de « Journal de voyage », un des best-sellers de son œuvre immense. Alexandra David-Neel est bien autre chose qu’une bourgeoise éprise de grands espaces, cultivée, elle est aussi passée par des épreuves physiques et morales durant ces années de voyage dans les himalayas, et ce, même si elle avait souvent des porteurs. C’est une femme engagée pour la cause du bouddhisme, qu’elle a portée avec succès en Occident ; elle a d’ailleurs rencontré le Dalai-lama en 1912 et adopta le lama Yongden qui l’avait accompagné dans ses périples. C’est aussi une affamée de la vie : à 100 ans et demi, la très culottée Alexandra David-Néel, a fait renouveler son passeport… Elle sut également être une femme médiatique et usa de ses livres, des journaux, des conférences pour que l’intérêt qui existait autour d’elle et du Tibet ne cesse pas. A mes yeux son courage et sa ténacité ont marqué les esprits de beaucoup de femmes et ont suscité des vocations. D’ailleurs la journaliste Priscilla Telmon a refait en 2005 le même parcours qu’Alexandra David-Neel, « un double voyage à pied et dans le texte », sur plus de 5000 km. Mesdemoiselles, à vos chaussures de marche...