Roqya // De Saïd Belktibia. Avec Golshifteh Farahani, Amine Zariouhi et Jeremy Ferrari.
Le film Roqya, réalisé par Saïd Belktibia, s'inscrit dans la lignée des thrillers mystiques, avec une touche bien ancrée dans les problématiques sociétales contemporaines. Ce long métrage, qui mêle habilement suspens et satire sociale, explore les dérives d'une société tiraillée entre tradition et modernité. Cependant, malgré des intentions louables et un casting de qualité, Roqya laisse une impression mitigée. Il est à la fois captivant et frustrant, souffrant d'un scénario qui peine à maintenir le cap tout au long de son déroulement. Golshifteh Farahani, dans le rôle de Nour, une mère accusée de sorcellerie, brille par son jeu d'actrice. Sa performance est sans conteste l'un des points forts du film. Farahani parvient à transmettre avec une grande intensité l'angoisse et la détresse de son personnage, pris dans une spirale de violence et de superstition. Elle éclaire littéralement ce récit sombre, non seulement par son talent mais aussi par sa présence magnétique, qui capte instantanément l'attention du spectateur.
Nour vit de contrebande d'animaux exotiques pour des guérisseurs. Lorsqu'une consultation dérape, elle est accusée de sorcellerie. Pourchassée par les habitants du quartier et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver. La traque commence...
Cependant, malgré cette prestation convaincante, le film peine à développer des personnages suffisamment attachants pour que l'on s'investisse pleinement dans l'histoire. Le lien entre Nour et son fils, par exemple, qui aurait pu constituer un fil narratif central, reste en arrière-plan et ne parvient pas à émouvoir autant qu'il le devrait. Cette distance entre les personnages et le spectateur empêche une immersion totale dans le récit, rendant certains moments clés du film moins percutants. L'un des atouts indéniables de Roqya réside dans son ambiance inquiétante et oppressante. La réalisation joue habilement avec les ombres, la lumière et la musique pour créer une tension palpable dès les premières scènes. Cette atmosphère, qui évoque une chasse aux sorcières des temps modernes, est amplifiée par l'usage de la technologie et des réseaux sociaux comme catalyseurs de la paranoïa collective. Les scènes de tension, en particulier celles où Nour est confrontée aux accusations de sorcellerie, sont visuellement marquantes et angoissantes.
Cependant, cette montée en puissance est malheureusement freinée par un rythme irrégulier. Après une introduction prometteuse, le film semble tourner en rond et peine à maintenir la tension sur la durée. Le scénario, pourtant riche de promesses, se perd parfois dans des digressions qui diluent l'impact des moments forts. La chasse à la sorcière, qui constitue le cœur du récit, manque parfois de dynamisme et d'originalité, laissant le spectateur sur sa faim. Roqya se veut un thriller mystique, mais il oscille également entre plusieurs genres, sans toujours parvenir à les concilier harmonieusement. Le film aborde des thèmes aussi divers que la sorcellerie, les dérives des réseaux sociaux, la misogynie et la place des femmes dans une société patriarcale. Ce mélange des genres, s'il est ambitieux, donne parfois l'impression que le film ne sait pas vraiment où il veut aller. Il manque une ligne directrice claire qui aurait permis d'unifier ces différents éléments de manière plus fluide.
Cela dit, Roqya n'en reste pas moins un film intéressant par son traitement des thématiques contemporaines. La critique des réseaux sociaux et de la diffusion d'informations, notamment autour des accusations de sorcellerie, est particulièrement pertinente dans un monde où la désinformation peut se propager à une vitesse vertigineuse. De même, le film dénonce subtilement la misogynie ambiante à travers le personnage de Nour, accusée à tort d'actes qu'elle n'a pas commis simplement parce qu'elle est une femme. Malgré une mise en scène travaillée et un univers visuel soigné, le dénouement de Roqya manque de surprise et d'originalité. Après avoir maintenu une certaine tension tout au long du film, le final se révèle quelque peu prévisible et ne parvient pas à sublimer l'histoire. La réconciliation entre Nour et son fils, par exemple, aurait pu être un moment fort et émouvant, mais elle est traitée de manière trop rapide et superficielle pour véritablement marquer les esprits.
En conclusion, Roqya est un film qui mérite d'être vu, ne serait-ce que pour les performances de ses acteurs, en particulier celle de Golshifteh Farahani, qui hypnotise par son jeu subtil et intense. Toutefois, le film souffre d'un scénario qui manque de profondeur et d'un rythme trop inégal pour captiver pleinement le spectateur. Saïd Belktibia propose une réflexion intéressante sur les maux de notre société moderne, mais l'exécution reste imparfaite. Si vous êtes amateur de thrillers à l'atmosphère sombre et oppressante, Roqya saura peut-être vous séduire. Mais si vous recherchez une histoire véritablement percutante et originale, ce film pourrait vous laisser un sentiment d'inachevé.
Note : 6/10. En bref, une chasse aux sorcière moderne portée par son casting.
Sorti le 15 mai 2024 au cinéma - Disponible en VOD