A l'occasion de la sortie en DVD du film Levante, je découvre ce film queer haut en couleur qui marque par son engagement et son côté joyeux et positif. Ce DVD est édité par Blaq Out.
Sofia, une joueuse de volleyball prometteuse de 17 ans, apprend qu'elle est enceinte la veille d'un championnat qui peut sceller son destin. Ne voulant pas de cette grossesse, elle cherche à se faire avorter illégalement et se retrouve la cible d'un groupe fondamentaliste bien décidé à l'en empêcher à tout prix. Mais ni Sofia ni ses proches n'ont l'intention de se soumettre à l'aveugle ferveur de la masse.
Le film Levante de la réalisatrice brésilienne Lillah Halla, présenté à la Semaine de la Critique 2023, aborde des thématiques sociales et politiques cruciales dans un contexte brésilien où l'intégrisme religieux influence fortement les décisions législatives. Le titre du film, qui signifie "insurrection" en portugais, en dit long sur l'esprit de révolte qui anime ce long métrage. À travers le destin de Sofia, une jeune sportive prometteuse confrontée à une grossesse non désirée, Levante nous plonge dans une lutte pour la liberté individuelle, notamment celle des femmes de disposer de leur propre corps. Levante se distingue avant tout par sa critique de la société brésilienne sous l'emprise du fondamentalisme chrétien. Dans ce contexte, l'avortement est illégal, et aider une femme à y accéder peut conduire directement en prison. Le film illustre de manière frappante comment ces lois répressives sont renforcées par une société où la délation et la stigmatisation sont monnaie courante.
On découvre un Brésil où les femmes sont traquées et dénoncées, même par leurs voisins, dès qu'elles sont soupçonnées d'avoir eu recours à l'avortement. La religion, utilisée comme un outil de contrôle, pénètre tous les aspects de la vie quotidienne et plonge les femmes comme Sofia dans un enfer psychologique et social. Le personnage central, Sofia, est une jeune lycéenne talentueuse et passionnée par le volley-ball, qui voit sa carrière prometteuse remise en question par la découverte de sa grossesse. Ce qui rend son histoire d'autant plus poignante, c'est que sa trajectoire sportive semblait toute tracée : une bourse d'études au Chili, la promesse d'une future carrière professionnelle. Cette perspective de réussite est brutalement remise en cause par des circonstances indépendantes de sa volonté, illustrant le dilemme auquel sont confrontées des milliers de femmes dans des pays où l'avortement reste un sujet tabou, voire criminel.
Lillah Halla donne à Sofia une profondeur émotionnelle qui force l'empathie. Portée par une performance remarquable d'Ayomi Domenica, la jeune héroïne est bien plus qu'une sportive talentueuse ; elle devient le symbole d'une génération en lutte contre un système patriarcal et religieux qui cherche à contrôler les corps des femmes. Le film ne se contente pas d'exposer la violence des lois anti-avortement, il dépeint également la solidarité et la résistance qui s'organisent autour de Sofia, notamment au sein de son équipe de volley inclusive. L'équipe de volley-ball à laquelle appartient Sofia est une véritable poche de résistance. Au-delà de la compétition sportive, cette équipe représente une communauté soudée, prête à tout pour défendre l'une des leurs. Cette sororité, bien que parfois idéalisée, est le cœur battant du film. À travers ces jeunes femmes, Halla montre qu'il est possible de créer des espaces de solidarité dans un environnement hostile.
Les coéquipières de Sofia et leur coach, véritable figure maternelle de substitution, sont des piliers sur lesquels elle peut compter dans sa quête pour retrouver son autonomie. Bien que le film mette l'accent sur la force du collectif, certains aspects techniques, notamment la manière dont les scènes de volley-ball sont filmées, peuvent laisser les amateurs de sport sur leur faim. Les matchs sont mal mis en scène, ce qui nuit un peu à la crédibilité de l'aspect sportif du film. Toutefois, ce défaut est largement compensé par l'énergie et la passion qui se dégagent des autres scènes, plus centrées sur les relations humaines et le combat intérieur de Sofia. Ce qui frappe dans Levante, c'est la manière dont Lillah Halla utilise le cinéma militant pour faire monter la tension. Chaque moment semble imbriqué dans un climat de répression et de surveillance, et l'angoisse de Sofia est palpable tout au long du film.
À la manière de certaines œuvres récentes, comme L'Événement d'Audrey Diwan, qui s'intéresse au même thème en France dans les années 60, Levante nous rappelle cruellement que la lutte pour les droits reproductifs des femmes est loin d'être terminée. Cependant, ce militantisme à fleur de peau peut également diviser le public. Certains pourraient reprocher au film de manquer de nuances, voire d'adopter une approche parfois trop schématique de la réalité. Les antagonistes, notamment l'infirmière pro-life et les évangélistes, sont dépeints de manière unilatérale, ce qui peut donner l'impression que le film tombe dans une certaine caricature. Pourtant, la sincérité et l'énergie déployées par Halla pour porter son message permettent de pardonner ces raccourcis narratifs. En dépit de ses imperfections, Levante est avant tout un film courageux, porté par une vision claire et engagée. Lillah Halla réussit à nous plonger dans un Brésil sous tension, où la question de l'avortement devient un point de cristallisation des luttes sociales et politiques.
À travers Sofia et son équipe, elle célèbre la force de la solidarité féminine face à l'adversité, tout en dénonçant les lois oppressives qui cherchent à contrôler le corps des femmes. Avec une bande-son percutante et un récit intense, Levante est une œuvre qui ne laisse pas indifférent. Certes, ses choix stylistiques - comme les coupures fréquentes de l'image - peuvent déconcerter, mais ils participent aussi à la création d'une atmosphère d'oppression constante. En somme, Levante est un film à voir, non seulement pour son sujet, mais aussi pour le courage de sa démarche dans un contexte brésilien de plus en plus réactionnaire.
Je regrette l'absence de bonus qui auraient pu permettre de plonger dans la culture queer brésilienne que je ne connais pas. Le film reste très beau, bien édité et il ne reste donc plus qu'à en profiter. Laissez-vous tenter par cette aventure aussi joyeuse que lumineuse qui met en avant un pan de la culture brésilienne à travers le prisme queer.