Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier

Publié le 19 septembre 2024 par Sylvainrakotoarison

" Donc de l'humilité, une forme olympique et puis aussi de la détermination, celle qu'il faut pour que cette nouvelle page qui commence, cette époque, cette période, soit une période utile pour les Français et pour la France. J'aurai l'occasion dans quelques jours, dans quelques semaines à peine devant le Parlement de dire les grandes priorités législatives et les propositions au nom du nouveau gouvernement. Il s'agira de répondre autant que nous le pourrons aux défis, aux colères (...), aux souffrances, aux sentiments d'abandon, d'injustice qui traverse beaucoup trop nos villes, nos quartiers et nos campagnes. " (Michel Barnier, le 5 septembre 2024 à Matignon).

Il n'y a plus de gouvernement français depuis plus de deux mois, le dernier a démissionné officiellement le 16 juillet 2024.
Michel Barnier, nommé Premier Ministre le 5 septembre 2024, n'a toujours pas formé son gouvernement après deux semaines de consultations, réflexions, concertations, suppositions... C'est dit : le jeudi 19 septembre 2024 sera son dernier jour de consultations, qu'on se le dise ! L'objectif de nommer le nouveau gouvernement avant dimanche soir semble encore tenir. Il y a urgence : le budget à préparer, le discours de politique générale à prononcer devant les députés, et d'abord, la session parlementaire ordinaire qui commence le mardi 1 er octobre 2024. L'examen du projet de loi de finances doit durer au moins 70 jours... et le projet de loi de finances doit être définitivement adopté avant le 31 décembre 2024.
Alors, qu'est-ce qui cloche ? Tout ! Selon la recommandation du Président de la République, Michel Barnier doit composer son gouvernement dans un large éventail républicain, celui du front républicain : le camp présidentiel, LR, bien sûr, mais aussi des personnalités de gauche, en particulier du parti socialiste.
Mais c'est apparemment mission impossible. De nombreux socialistes ont été contactés par Matignon et pressentis pour être nommés au gouvernement et ont tous déclinés. Bernard Cazeneuve, prévu à Matignon : non ! Stéphane Le Foll, maire du Mans, proche de François Hollande : non ! Philippe Brun, député socialiste opposé à la ligne mélenchonienne d' Olivier Faure, pressenti au budget : non ! Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen, pressenti aussi à Matignon : non ! Jérôme Guedj, député socialiste élu en rejetant l'étiquette mélenchonique de la nouvelle farce populaire (NFP) : non ! Carole Delga, l'entreprenante présidente du conseil régional d'Occitanie (la mieux élue des régionales de 2021) : toujours non !
La seule maigre hypothèse qui pourrait être acceptée, ce serait la nomination du socialiste grenoblois Didier Migaud comme garde des sceaux. Ancien Premier Président de la Cour des Comptes, ancien député socialiste de l'Isère, il préside aujourd'hui, depuis quatre ans (depuis le 31 janvier 2020), la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP), ce qui pourrait être un gage d'intégrité. Toutefois, politiquement, Didier Migaud a quitté les sphères socialistes depuis 2010, depuis une quinzaine d'années !
Ma recommandation pour avoir une personnalité socialiste au gouvernement, c'est de le proposer à Ségolène Royal qui, j'en suis sûr, l'accepterait ! (Ne pas demander à Manuel Valls, il l'accepterait aussi volontiers mais cela fait longtemps qu'il ne représente plus les socialistes). On a même prêté à Michel Barnier l'intention de proposer à Fabien Roussel, secrétaire national du PCF (invité le 17 septembre 2024 à Matignon), une place au gouvernement, mais cela se saurait (ne serait-ce que par l'intéressé). Il ne faut pas oublier que pour un membre du NFP, une proposition d'entrer au gouvernement le rend ministrable dans sa propre coalition, puisque, refusant de succomber à la tentation, il en devient beaucoup plus fort politiquement. Mais encore faut-il que le NFP arrive alors au pouvoir prochainement !...
On revient avec les ministères aux mêmes conséquences contre-productives qu'avec Matignon : en refusant de participer à un gouvernement de salut national, le PS refuse par là même d'influer sur le cours de la politique de la nation et laisse le champ libre à la seule droite. Ce refus politicien de gouverner a bien sûr des conséquences politiques.
Michel Barnier, membre de LR, a donc fait des esquisses de composition de gouvernement avec surtout des membres de LR. En particulier, selon les dernières rumeurs : Bruno Retailleau à l'Intérieur, Laurent Wauquiez (qui refusait toute participation LR à un gouvernement il y a moins d'un mois) à l'Économie et aux Finances, Annie Genevard à l'Agriculture (auparavant pressentie à l'Éducation nationale)... et probablement que c'était dans cette projection qu'un désaccord a eu lieu entre l'Élysée et Matignon. L'Élysée ne se voyait pas attribuer en même temps Matignon, Place Beauvau et Bercy à LR qui ne représente que 47 députés sur 577. Du reste, cette semaine, Gabriel Attal et Gérald Darmanin ont fait aussi dissonance en rappelant que le groupe Renaissance (Ensemble pour la République) sera le plus important de la coalition constitutive du gouvernement.
Gérald Darmanin souhaitait rester au gouvernement (au service de l'État) et j'imagine que c'est aussi le souhait de l'Élysée afin qui ne soit pas tenté de vouloir conquérir le parti présidentiel (Renaissance). Son objectif serait le Quai d'Orsay, libéré par la nomination de Stéphane Séjourné à la Commission Européenne. Michel Barnier aurait proposé à l'ancienne Première Ministre Élisabeth Borne le Ministère des Armées, tandis que Sébastien Lecornu, chouchou du Président, devrait rester au gouvernement, ainsi que Catherine Vautrin et Rachida Dati, ces deux dernières ministres démissionnaires étaient membres du gouvernement seulement depuis janvier dernier.
Par ailleurs, Michel Barnier aurait également proposé un ministère à l'incorruptible centriste Charles de Courson, bombardé rapporteur général du budget à l'Assemblée Nationale grâce à la gauche. Ce dernier a refusé, alors qu'il s'est rendu le 17 septembre 2024 à Matignon avec le président FI de la commission des finances Éric Coquerel pour y obtenir les documents budgétaires (et contrairement à ce qu'ils ont affirmé, ils les auraient obtenus).

Au-delà du choix des personnes, toujours arbitraire, il y a bien sûr le choix de la politique à conduire, et le débat s'est focalisé sur l'importance de réduire le déficit public (en gros, 20 milliards d'euros à réduire chaque année, pendant cinq ans, soit 100 milliards d'euros), sur la manière de le réduire, soit réduction des dépenses publiques, soit augmentation des impôts, et probablement les deux. La perspective d'une hausse des impôts a fait frémir de nombreux partis politiques, en particulier dans la propre majorité de Michel Barnier, Gabriel Attal et Gérald Darmanin affirmant qu'il s'agissait là d'une ligne rouge à ne pas franchir. Un gouvernement Barnier censuré par son principal soutien, ce serait cocasse !
Pour Michel Barnier, c'est donc un véritable casse-tête. Il aurait tenu tête à Emmanuel Macron ce mercredi 18 septembre 2024 et sa démission aurait été évoquée, tout cela au conditionnel, mais c'est très crédible puisque Michel Barnier, l'air de rien, avait tenu tête au tonitruant Boris Johnson lors des interminables négociations du Brexit. Michel Barnier, à 73 ans, n'a pas grand-chose à perdre et peut ainsi peser de tout son poids politique et personnel.

Et ce poids est fort... surtout depuis la publication, le 17 septembre 2024, du sondage réalisé par l'IFOP-Fiducial pour "Paris Match" et Sud Radio (un échantillon de 1 003 personnes représentatives, interrogées du 12 au 14 septembre 2024), un classique baromètre de popularité politique. À la question "Avez-vous une bonne ou une mauvaise opinion de cette personnalité ?", Michel Barnier arrive... à la première place avec 57% de bonnes opinions ! Devant Il faut évoquer un petit peu ce sondage assez étonnant. En gros, la plupart des personnalités politiques, même des "has been", ont fait un bond de 5 à 10 points de bonnes opinions, même des personnalités de gauche. Gabriel Attal a fait un bon de 8 points, Bernard Cazeneuve de 10 points, même François Hollande a fait un bond de 8 points !
Édouard Philippe (55%), Gabriel Attal (54%), Jean Castex (54%) et Rachida Dati (48%). J'écris "bonnes opinions" pour simplifier mais il faut comprendre le total des "bonnes" et des "très bonnes" opinions exprimées par les personnes sondées.
Bruno Le Maire aussi de 10 points, François Bayrou de 9 points, etc.

Parmi les nouveaux venus de ce tableau de bord, Michel Barnier (qui arrive dès le premier mois à la première place, cela avait été la même chose avec
Nicolas Hulot il y a quelque temps), Jean Castex (très étrange bon score, sans doute en raison des Jeux olympiques et paralympiques qui se sont bien déroulés pour la RATP qu'il préside), et aussi Lucie Castets qui arrive avec déjà 39% de bonnes opinions, ce qui est déjà pas mal, ce qui est supérieur à Olivier Faure (38%), Raphaël Glucksmann (37%), Marine Tondelier (35%), Sandrine Rousseau (35%), Manuel Bompard (31%), Jean-Luc Mélenchon (30%), etc.

Avec la 23
e place, Lucie Castets devrait d'ailleurs être contente d'exister et d'être devant son ancienne patronne, Anne Hidalgo à la 37 e place (33%) et surtout Emmanuel Macron à la 44 e place (31%). Quant à Jean-Luc Mélenchon, à la 46 Aussi sur le blog. e place, il est la personnalité qui recueille le plus de "très mauvaises opinions" (40%) ex aequo avec Éric Zemmour, devant Marine Le Pen (33%), Emmanuel Macron (33%), Marion Maréchal (29%) et Jordan Bardella (28%).
Ce sondage ne donne pas grand-chose sur les prédictions d'une éventuelle élection présidentielle anticipée, mais permet au moins à Michel Barnier de peser politiquement dans la composition du gouvernement face au Président de la République car il jouit d'une relative popularité, celle d'un préjugé favorable face à l'inconnu. Ce sera aussi son assurance-vie à l'Assemblée Nationale, car les députés devront bien réfléchir avant de censurer un Premier Ministre populaire.
Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
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"À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
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