La question de la place des femmes (et de ce qu’elles endurent), de celle des migrants, et les problèmes judiciaires auront largement marqué la programmation faite par Carline Diallo pour les films en compétition mais aussi les avant-premières et les films à l’affiche (parmi eux je recommande Le fil, chef-d’œuvre de Daniel Auteuil, déjà sorti en salles).
Je voudrais aussi mentionner l'importance d'un outil de communication qui n'était pas aussi présent dans nos vies il y a quelques années que maintenant. Il tient souvent un rôle déterminant dans les films que nous avons vus. Le scénario de 4 films sur 5 intègre le téléphone portable et son absence rendrait impossible le déroulement de l'histoire.Après l'annonce des prix, que je récapitule ci après, la soirée de clôture s’est achevée avec l'avant-première de Quand vient l’automne de François Ozon. Josiane Balasko et Hélène Vincent sont exceptionnelles dans des rôles joués avec subtilité en accordant une belle place aux non-dits. Le choix d’un thriller policier et psychologique était tout à fait cohérent et nous a permis de retrouver Pierre Lottin qui interprétait le frère de Benjamin Lavernhe dans le film d’ouverture En fanfare il y a une semaine. On ne pouvait pas mieux boucler la boucle.
Inversons l’ordre habituel et commençons par les courts puisque cette année le paysage était le court-métrage. Qu’importe la distance, produit par Offshore et distribué par Manifest a été placé à la première place. Le film suit l’itinéraire d’une mère qui rend visite à son fils en prison pour la première fois.
Cinq heures du matin, Yalla est pressée. Sans l’autorisation de sa cheffe, elle quitte son poste d’aide-soignante de nuit. Elle monte dans un bus, en emportant avec elle qu’un sac lourd et rempli de vêtements. La ville est encore endormie, Yalla relie, sur un bout de papier, les différentes lignes de bus à prendre. C’est la première fois qu’elle fait ce trajet : son fils l’attend.Le suspens sur la destination installé par le réalisateur n’a pas été aussi efficace qu’il le souhaitait parce que, et c’est un hasard, la seule vue du type de sac (que nous avions vu notamment dans La prisonnière de Bordeaux) était un indice évident.
Son premier long-métrage, l’excellent Jeunesse mon amour, distribué par Wayna Pitch avait été remarqué en avril 2024 pour la justesse de sa façon d’aborder les soucis des adolescents au moment du passage à l’âge adulte et leur fidélité aux valeurs de l’amitié.Les notes des autres court-métrages en compétition n’ont pas été révélées. Je voudrais malgré tout signaler :
Les mystérieuses aventures de Claude Conseil (2023) de Marie-Lola Terver et Paul Jousselin, avec Catherine Salviat, Leys et Olivier Saladin (durée 24 minutes)
Claude Conseil vit une retraite paisible avec son mari dans une maison au milieu des bois. Elle occupe son temps à écouter et enregistrer les oiseaux. Un soir de printemps, d'incessants et énigmatiques appels viennent rompre le calme de la forêt.Ce film est d'une délicatesse précieuse. Les oiseaux y sont admirablement filmés. Leur chant répond à la musique contemporaine la Rêverie des oiseaux d'Olivier Messian. Les, la rappeuse rémoise, originaire du Congo et de la Centrafrique, réputée pour être la relève de Diam's y interprète son propre rôle.Ce court-métrage ultra original par son propos aurait mérité d'être primé ex-aequo.
Et si le soleil plongeait dans l'océan des nues (2023), fiction franco-libanaise écrite et réalisée par Wissam Charaf (durée 20 minutes), qui a reçu, à juste titre en raison de son originalité et de la finesse de son humour fin et noir, plutôt surréaliste, de multiples prix.
Au Liban, sur le chantier du front de mer, Raed, agent de sécurité doit empêcher les promeneurs d'accéder en bord de mer. Mais alors que l'horizon est bouché chaque jour d’avantage par le chantier, Raed fait des rencontres singulières. Rêves ou incarnations de ses désirs ?L'Invulnérable (2023), de Lucas Bacle (durée 24 minutes)
Alors qu’il s’occupe au quotidien de son père malade, Marcus, dix-sept ans, n’a plus que quelques jours pour rendre la vidéo du concours d’entrée de l’école de cinéma de ses rêves. Perdu entre la culpabilité de laisser son père seul et le désir de vivre sa propre vie, Marcus se lance dans son tournage. Mais la maladie de son père va très vite le rappeler à son statut d'aidant.Une comédie sociale mettant en scène avec humour et tendresse des adolescents confrontés au handicap.
La voix des autres (2023), de Fatima Kaci (durée 30 minutes), produit par La fémis, disponible actuellement sur Arte, faisant tout à fait écho au film L'histoire de Souleymane.Ce rapprochement l'a peut-être desservi car le spectateur n'a pas éprouvé la moindre surprise, malgré une interprétation parfaite.
Rim, tunisienne, travaille en France en tant qu'interprète dans le cadre des procédures de demande d'asile. Chaque jour, elle traduit les récits d'hommes et de femmes exilés dont les voix interrogent sa propre histoire.Hammam (2024), de Zélie Elkihel - Ecole Emile Cohl (durée 5 minutes)
Lola, une jeune femme métisse franco-marocaine, nous fait part d’un souvenir. À douze ans, elle fit l’expérience déroutante d’un lieu et d’une pratique dont elle rêvait depuis longtemps, le hammam traditionnel marocain.Très différent des précédents puisqu'il s'agit d'un film d'animation, pour petits mais aussi pour adultes, très coloré, nous entrainant dans un monde onirique et néanmoins représenté avec beaucoup de détails tout à fait exacts. La musique est très belle. Il a particulièrement touché tous ceux et celles qui connaissent l'atmosphère et le rituel des bains.
L’intérêt pour les courts-métrages n’avait pas faibli au cours de la semaine. Chaque long était précédé d’un court parfaitement assorti au thème du long, judicieusement choisi par Carline Diallo pour mettre le spectateur dans l’ambiance, en un temps record puisque le plus long était de 7 minutes.** *L’histoire de Souleymane a reçu le Prix du Jury de la Jeunesse, le Prix du Public et le Prix du Grand Jury, ex æquo avec Norah qui a aussi reçu le Prix du Jury des Femmes.
Au premier jour de compétition nous avons pu enchaîner trois séries. D'abord avec le court Carpe Diem de Sammy Hossenny et Jérôme Bernard qui nous montre un homme et son chien, assis au milieu de nulle part en montagne et partageant des pensée communes … au-delà des nuages.
L'homme, perdu dans des pensées, oublie à quel point la vie peut être très simple. Le proverbe latin carpe diem donne donc son titre, fameux depuis des siècles, à cette histoire très courte. Sa traduction littérale – “cueille le jour”, issue d’un vers du poète Horace – est devenue au fil du temps l’étendard de l’épicurisme. Profiter simplement de l’instant présent, plutôt que de se retenir et de remettre à plus tard. C’est ce dont le protagoniste fait ici l’expérience…
Unité de temps, de lieu, d’action et de personnage. Un homme et son chien. Le premier assis sur un banc en pleine nature. Le second assis sur le sol à ses côtés. Ensemble, ils regardent dans la même direction : le ciel. L’humain, matérialiste, y projette ses fantasmes d’une vie satisfaisante et réussie. Des signes extérieurs concrétisés par des nuages blancs dans le ciel bleu.L’échange de regards entre le maître et sa bête semble indiquer en cours de route que l’ambition doit peut-être se voir simplifiée à l’essentiel : le partage de l’instant. L’émotion se fait touchante aussi, quand le générique final débute par la dédicace au regretté Jazz, le véritable canidé vu à l’image. Le film a peut-être été fait juste pour lui.Simón de la montaña, premier film de Federico Luis (2024)Après la vision tendre et poétique de l’amitié (quitte à avoir un animal comme copain) de Carpe Diem, nous découvrons un autre paysage de montagne (en Argentine, Chili ou Uruguay) aride et rude, subissant des conditions météo extrêmes. On se cramponne à notre siège nous aussi de crainte que le vent ne nous renverse pendant la scène d’ouverture alors que les protagonistes jouent le plaisir enfantin de braver le danger
Simón a 21 ans. Il se présente comme aide-déménageur, dit ne pas savoir cuisiner ni nettoyer une salle de bains, mais en revanche savoir faire un lit. Depuis quelque temps, il semble devenir quelqu'un d’autre…Il est en mal d’amitié, cherchera par tous les moyens à s’intégrer et se faire accepter dans une communauté de handicapés, quitte à perdre son lien familial. Le réalisateur fouille la question de l’amour pour de vrai ou pour de faux. Chacun souffle des mots comme des répliques. La vie serait-elle un théâtre ? Simon cherche-t-il à être quelqu’un d’autre ou à être lui-même ?
Ce film qui a été très discuté en sortie de projection par le public comprenant mal qu'une personne n'ayant pas de handicap mente pour se faire intégrer dans le groupe. Un plan nous montre Simon, enfant, bien portant, mais témoignant déjà d'un talent d'acteur, en endossant les vêtements et le masque … de Dracula (suceur de vie), qu'on a estimé très signifiant. Les questions du début reviendront à la fin. Entre temps Simon aura "retenu la leçon".
Il se caractérise aussi par un travail très précis sur l'écoute, le souffle et le son pour s’achever volontairement sur une dissonance.
Nous avons ensuite découvert Mode-Express, un court métrage très bref de Manon Talva et Louis Lecointre (2022), mettant en parallèle le quotidien et le mode de vie totalement opposés d’une française et d’une chinoise.
Le procédé du split screen démontre brillamment leurs différences, dans leurs salles de bain, entre l'atelier de confection et la boutique … Implacable sur la provenance de nos vêtements bon marché (qui correspondent à "la robe de nos rêves") et tout à fait raccord avec le film de Boris Lojkine. Mode-express a reçu le Prix international du Nikon Film Festival 2022.
Le deuxième film en compétition était le très attendu second long métrage de Boris Lojkine (seul deuxième film en compétition adultes) L’histoire de Souleymane. Le réalisateur, qui vient du documentaire, nous propose des films au ton très réaliste et profondément humain, ayant trait à la migration.
Il avait précédemment fait Hope (qui avait été présenté en compétition ici en 2013 et obtenu le Grand Prix). Il était intéressant de suivre son parcours.
Tandis qu’il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d’asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n’est pas prêt.Le film a déjà été plusieurs fois primé et mérite toute notre attention. Par le sujet principal (les arcanes de l’obtention d’une demande d’asile), les aspects sociétaux (les gentillesses comme les vacheries des clients qui commandent leur repas en ligne, la dureté des conditions de vie de ces travailleurs) et par l’éclairage apporté à l’exploitation de ces hommes par ceux qu’on penserait être leurs alliés et qui les rackettent par tous les moyens. Si l’entraide est réduite, Souleymane fait tout de même quelques jolies rencontres. Il n’empêche qu’il en vient à douter de ce qu’il est venu chercher en Europe. Magistralement interprété ce film nous laisse dans l’expectative sur l’avenir de cet homme pour qui on s’est pris de compassion.La première scène commence dans le silence en révélant le visage marqué de l’homme. Il porte une chemise blanche dont il tente de nettoyer une tache (nous saurons plus tard qu'il s'agit de sang). L'ellipse est alors faite sur l'issue de l'entretien auquel il se rend. Il faudra attendre la fin du film pour la connaitre.L'homme récite dans sa tête une histoire qu'il doit connaitre par coeur sans y parvenir car ce n'est pas la sienne. Il est question d'une opération de déguerpissement, un mot peu courant dont la fréquence alertera l'enquêtrice du service d'immigration. Il continue ce faisant de rouler à vélo dans Paris en prenant de gros risques, brûlant les feux rouges.Même si on sait que les conditions de travail des livreurs sont épouvantables (et je vous recommande le roman autobiographique de Franck Courtès A pied d'oeuvre), on oublie qu'il faut posséder son propre vélo pour pouvoir travailler, et avoir une carte de séjour. Sinon on est réduit à se faire racketter par un "ami" qui sous-traite son propre numéro contre une grosse commission. La combine se corse quand un client est mécontent car il faudra faire un selfie (donc une photo du prête-nom) pour valider sa clôture. L'opération est quasi impossible si l'homme est très loin, ou absent et les conséquences sont terribles.
Si Souleymane ose (gentiment) se plaindre on lui répond : Faut charbonner, on n’est pas venu en Europe pour jouer. Toute une hiérarchie d'ivoiriens et de guinéens exploite les leurs. L’entraide est réduite. Et comme si ses soucis ne suffisaient pas il y a encore sa mère qui est malade au pays.Le spectateur absorbe son angoisse comme une éponge. Même quand "tout va bien" la vie de ces travailleurs est ultra stressante et on réalise ce qu’est le quotidien de ces hommes (aucune femme d’ailleurs). Pour garantir sa place dans le dortoir il faut programmer son téléphone à sonner en pleine nuit afin de réserver par SMS pour le lendemain. C'est toute une machinerie. On en est épuisé pour lui.Le rythme des plans est soutenu. Mais il y a tout de même des moments humains et les clients ne sont pas difficiles. On lui offre un bonbon. On respire. Il étouffe un petit rire. Puis la machine se grippe. C’est l’accident et tout s’enchaîne. Même la police cherche à profiter de la situation. Le bus du recueil social lui file sous son nez. La faible entraide de quelques copains ne suffira pas.Voilà de nouveau Souleymane sur sur la chaise, avec la même chemise blanche. On nous laisse en plan comme lui sans connaître l’issue de ce qui est un verdict. Tout le monde pense que çà ne sera pas positif pour lui. Pourtant même si "son" histoire n'est pas celle que voudrait entendre la fonctionnaire elle est terrible … mais elle ne rentrera sans doute pas dans les critères d'attribution d'un statut de réfugié.
Le scénario touchant et absurde pour nous parler de transmission entre un père et son fils. Un chef japonais respecté, issu d'une lignée de fabricants de sushis, tente de créer un lien avec son fils Uotaro en partageant les connaissances du métier familial. Des tensions apparaissent lorsqu'il commence à remarquer un comportement étrange chez le jeune garçon, qui se prend pour un poisson, et dont la morale pourrait se résumer à : laissez vos enfants grandir !
Les cinéastes ont effectué un méticuleux travail sur l’eau. Aquarium, baignoire, pluie, flaques, larmes, océan : la fluidité de l’élément inonde le film. Elle accompagne aussi l’omniprésence des poissons, vivants, morts, réels ou décoratifs. Dans cette histoire sur l’incommunicabilité entre un père et son fiston, l’attachement est pourtant dense. Les deux personnages avancent côte à côte, jusqu’à la séparation déchirante.
Ensuite, premier film de la réalisatrice américaine India Donaldson, Good one dont la sortie en France aura lieu le 13 novembre 2024.
Sam, 17 ans, préférerait passer le week-end avec ses amis, mais elle accepte de rejoindre son père Chris, dans la région des montagnes Catskills de l’État de New York. Un endroit paradisiaque où Matt, l’ami de toujours de Chris, est hélas également convié.India Donaldson explore les relations familiales avec un humour subtil et une ironie nuancée à l'occasion d'une randonnée où les personnages avancent sans carte ni boussole dans une nature grandiose et magnifique. Trouveront ils une paix familiale ?
J'ai été surprise (et dérangée pendant la projection) par la rareté des dialogues mais le film a fait ensuite son chemin en moi. Je le trouve à la réflexion très subtil. La marche représente pour la jeune fille le temps nécessaire pour comprendre son père, et se faire respecter de son ami. Pour le père elle marquera le temps nécessaire pour cesser de nier le comportement toxique de son ami. Les pierres, présentes sur l'affiche, ne sont pas filmées que pour leur beauté. Elles dégagent toute une symbolique que j'avais décortiquée précédemment, dans cet article, après en avoir vues en grand nombre au cours d'une balade dans l'Allier en 2015.
Le festival était aussi marqué par des des ateliers, des animations jeune public, une programmation spécifique pour ce public et une compétition dédiée et une compétition courts-métrages scolaires (que je n'ai pas suivies), de la danse, comme avec l'orchestre du Batucada Badaud devant le Rex, juste avant la projection en avant-première du film de Julie Delpy, Les barbares.Deuxième jour de compétition avec deux longs-métrages précédés de deux courts fort intéressants toujours judicieusement choisis par Carline Diallo pour mettre le spectateur dans l’ambiance.
Ce fut d’abord le court-métrage 15 Août, de Tamara Kozo qui témoigne (en 2’20) des limites de la compassion et de l’aide.
A Kaboul, en aout 2020, une journaliste est interrompue en pleine interview avec Sadiqa par une alerte.Elle va abandonner la jeune femme dont elle encourageait quelques secondes plus tôt le désir de continuer à vivre. Comme quoi on peut s’offusquer … mais ne rien faire. Le public a été outré.
Ensuite, dans la même thématique, Norah (dont la sortie nationale est programmée le 16 octobre 2024) premier long métrage réalisé par Tawfik Alzaidi avec Yagoub Alfarhan, Maria Bahrawi, Aixa Kay, Abdullah Al-Sadhan, Saleemriaz …
Le film nous transporte en Arabie Saoudite, en 1996, dans un village très isolé au milieu de montagnes arides. Arrive un nouvel instituteur qui semble bien différent des hommes de la tribu quoique respectueux de la hiérarchie locale. Norah est une jeune femme éprise de liberté, qui se nourrit d’images de magazines et qui fera cruellement l’expérience qu’il n’y a rien de pire que les rêves. La relation secrète entre la femme et l'homme sera nourrie par l'art et la beauté. Elle libérera les forces créatrices qui animent ces deux âmes soeurs... malgré le danger présent dès le premier plan quand retentit un coup de fusil.Le rythme est lent, parfois inquiétant jusqu’à la révélation d’un secret familial avec une fin qui nous laisse sur une interrogation.Il convient de re-situer le scénario dans le contexte historique et géographique où tout ce qui vient après l'électricité fait peur aux hommes qui dirigent la tribu. On remarquera que l'instituteur n'enseigne qu'à des garçons et qu'aucune fille ne va à l'école.Le visionnage du court-métrage iranien Katvoman de Hadi Sheibani, avec Amir Ahmad Sadeghzadeh, Esmaeil Ghasemi, Sepideh Mozaheb… s'achève sur un véritable uppercut au bout de 7 minutes 23 de projection. Le cinéaste est un monteur passé à la réalisation. Il dénonce les violences conjugales de manière forte dans une société corsetée par l’écrasement du féminin – et dans un monde patriarcal de domination, marqué par les féminicides. DNous ne serons pas surpris lorsque nous verrons dans quelques jours Les graines du figuier sauvage.Une mère et son fils jouent au jeu Catwoman-Batman avant que le père ne rentre. Pendant ce temps, des bruits et des cris se font entendre de la porte d’à côté ; il semble qu’un homme ait blessé sa femme. Il est temps pour le père de jouer un rôle dans le jeu avant que le fils ne découvre ce qu’il a fait.
La symbolique de la super-héroïne fonctionne parfaitement pour témoigner de la dichotomie entre élargissement de la parole, depuis #MeToo, et effroyable fatalité de la violence quotidienne. Le masque attise le regard, mais dissimule aussi ce qu’il peut cacher : un visage, une peau, une marque, un coup. Si Catwoman est connue pour sortir ses griffes, ici elle cache autre chose.
La bonne idée du récit est de mettre en relief une violence domestique par la présence sonore envahissante d’une autre violence en cours dans l’appartement mitoyen. Les contradictions explosent et n’en révèlent que plus fortement l’âpre réalité chez soi. Du jeu initial avec l’enfant, on passe à la révélation finale sans équivoque. Tout n’est pas un jeu, même quand on essaie de préserver un enfant…Dernier long-métrage en compétition avec Julie se tait, un premier film très pesant d'un réalisateur belge, Leonardo Van Dijl qui résonne tout à fait avec des affaires de harcèlement dans le milieu sportif.Je préfère le titre original, Julie Keeps Quiet, qui est inscrit comme une oxymore sur l'affiche. Tout d'abord, il est vrai que Julie, étoile montante du tennis, décide de garder le silence sur les harcèlements de son entraîneur pendant qu'une enquête est en cours.La mise en scène très serrée reflète l’enfermement émotionnel du personnage central. La caméra privilégie l'isolement de la jeune femme dans le cadre (avec le tennis en tant qu'analogie de sa solitude, lorsqu'elle frappe des balles sans que l'on voie le partenaire lui renvoyer). Les scènes d'entrainement sont longues, peut-être difficiles à apprécier après les Jeux Olympiques.La musique de la compositrice, violoniste et chanteuse américaine Caroline Shaw crée un effet de bulle et exprime son enfermement psychologique. La harpe, en conclusion, marque une ouverture vers un renouveau possible lorsque, devant une église en toile de fond, on devine que la relation avec l’entraîneur a dérapé (quand tu m’as demandé d’arrêter, j’ai arrêté).Il est intéressant de rendre compte des efforts des adultes pour tirer l'affaire au clair en décidant de passer par des entretiens individuels pour comprendre, tirer des leçons, enclencher une nouvelle stratégie. On notera aussi le téléphone portable comme preuve à charge.