Le jugement des glaces

Publié le 20 septembre 2024 par Adtraviata

Présentation de l’éditeur :

Professeur harcelé par ses élèves, Barthélémy sombre dans une dépression insomniaque. Il y trouve l’inspiration d’un livre contant ses errances dans la nuit d’un Bruxelles marginal. Le succès fulgurant de l’ouvrage, son adaptation en téléréalité permettent à Barthélémy de prendre sa retraite et de se réfugier à Saint-Idesbald, sur la côte belge, à quelques encablures de la frontière française. Lors d’une promenade, il croise un groupe de réfugiés qui fuient la jungle de Calais.
Menés par Aslan, une femme, deux garçonnets jumeaux et un déserteur russe, ayant fui la première guerre de Tchétchénie, espèrent comme tant d’autres traverser la Manche. Pour Barthélémy, cette rencontre est une rédemption. Il va leur venir en aide et retrouver sa vocation d’enseigner. Avec ses amis Van Drogenbos, intransigeant fonctionnaire de l’urbanisme, Charon, ex-pêcheur et douanier, et Zanzibar, qui restaure un vieux
Grandbanks, il va organiser la traversée de ses protégés vers l’Ecosse.

Petit lien avec le roman de Françoise Pirart lu précédemment, il est question ici aussi de réfugiés tchétchènes qui cherchent à traverser la Manche pour rejoindre un cousin en Ecosse. C’est Barthélémy, un ancien prof dépressif – qui a même développé un profond sentiment de haine envers la gent étudiante – et qui a gagné une retraite dorée à Saint-Idesbald grâce à un guide original sur Bruxelles la nuit. Toute l’angoisse vécue en classe et toutes ses capacités d’écoute et d’attention inemployées le jour lui ont servi en nocturne dans des périples improbables et des rencontres pleines d’humanité. Une humanité qu’il va pouvoir prodiguer à ce petit groupe de migrants perdus sur la plage, dont le seul lien est d’avoir fui la guerre en Tchétchénie : un ancien instituteur qui a vu sa famille voler en éclats sous une grenade, une femme également seule qui garde en réserve une grenade russe intacte, des jumeaux orphelins et un jeune soldat russe déserteur.

Si le roman de Jean Jauniaux, toujours fidèle à la petite station de Saint-Idesbald sur la côte belge, se base sur des faits réalistes, il se pare aussi d’une légère touche fantastique avec le monde bruxellois de la nuit. Il campe des personnages originaux, blessés par la vie, qui cherchent le chemin de la reconstruction, si tant est qu’elle soit possible. J’ai bien aimé monsieur Van Drogenbos, champion de la résistance au béton sur la côte belge. Jean Jauniaux écrit bien, mais il me faut avouer que parfois, j’ai été un peu agacée par des répétitions et le trop-plein d’images poétiques sur la mer, le soleil et la plage. On sent qu’il veut donner un exemple de solution humaniste à la crise migratoire et on a bien envie de croire à son utopie malgré le nombre de personnes décédées dans la Manche – il y en a encore eu huit la semaine passée. J’aurais aussi aimé avoir quelques infos à la fin du récit, sur ses sources d’inspiration (on comprend le titre à la fin du roman, c’est certainement une de ses sources) et sur cette photo de couverture d’un cuistax reconverti en traîneau à chiens huskis. En tout cas, encore merci à Gérard Adam et aux éditions M.E.O. pour la découverte de ce roman.

Jean JAUNIAUX, Le jugement des glaces, Editions M.E.O., 2024