« Si elles s’envolent » de Cécile Guivarch (poésie)

Par Etcetera

Cécile Guivarch est une poète dont j’apprécie l’écriture sensible et émouvante. J’ai eu la joie de lire et de chroniquer certains de ses précédents recueils : Sa Mémoire m’aime (2023), Cent ans au printemps (2021), Te visite le monde (2009) ou Sans abuelo, petite (2017).
Toujours curieuse de ses nouvelles publications, j’étais heureuse de découvrir son dernier recueil, « Si elles s’envolent« , publié en juin 2024 aux éditions Au Salvart.

Présentation du livre par l’éditeur

L’autrice évoque « la vie des femmes », mêlant les prénoms de grandes figures féminines que l’on reconnaîtra MarinaCamille, Marilyne… à ceux de femmes de sa famille CarmenMariaHenriette… Elle les réunit en un lieu où l’existence féminine est rythmée par des tâches et des usages éprouvés depuis des générations. Avec une liberté d’écriture qui assume une entière féminité, elle est soutenue par les paroles poétiques de Marina Tsvetaeva et Denise Desautels dans ce livre empli d’empathie et de sororité.
(Source : Site de l’éditeur)

Mon Avis

Cécile Guivarch évoque dans ce recueil les travaux féminins tels qu’elle a pu les observer dans son enfance, en Espagne, à l’époque de Franco, où le mode de vie restait traditionnel, occupé par les travaux des champs, l’élevage des animaux, les lessives au lavoir, travaux de couture, etc. Cette poésie des gestes féminins rend hommage à toutes nos ancêtres, il me semble, dans la mesure où, durant des millénaires, ce mode de vie rural et agreste a prévalu, partout dans le monde. La poète pointe parfois le doigt sur notre époque contemporaine – nous sentons affleurer l’idée d’une comparaison entre la vie rude d’autrefois et les commodités actuelles (micro-ondes, choix de métiers plus libres et plus intellectuels). Elle évoque aussi, dans les sociétés traditionnelles, pour les femmes « la peur de s’arrondir », la vie conjugale et la maternité. Une manière de nous rappeler à quoi ressemblait la vie des femmes jadis et, peut-être, de nous laisser mesurer le chemin parcouru, tout en insistant sur une part de rêve…
Un bel hommage aux femmes, d’hier et d’aujourd’hui, aux femmes paysannes aussi bien qu’aux artistes célèbres (Camille Claudel, Marilyn Monroe), à celles qui ont fait tourner l’économie durant la guerre 14-18, à celles qui sont restées dans l’ombre aussi bien qu’aux plus célèbres. Le regard de Cécile Guivarch sur elles est toujours empreint d’une affection et d’une compréhension communicatives.

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Page 22

J’ai trouvé des gestes sur les photos
une bassine en fer-blanc dans la cour
le linge étendu dans presque un champ
les vaches regardent les draps danser
ou bien c’est nous qu’elles regardent
quand on se plante sous leurs yeux
leur bonté s’écoule de leurs cils
Du lait à boire grand-mère son tabouret
dans un verre de ciel en noir & blanc
des gestes dont la mémoire m’a effacée

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Page 37

Tissent kilomètres de fils invisibles
des pelotes à dérouler entre elles
Je répète des gestes d’autrefois
– mon plat au micro-ondes –
Je les poursuis contemporaine

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