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Claudette au Kazakhstan

Publié le 17 septembre 2024 par Desfraises
Claudette Kazakhstan
Illustration : hésitation. J'hésite entre jouer avec la chienne et achever mon bouquet, entre l'été (mon bermuda) et l'automne (les températures en Charente ne sont pas celles des Bouches-du-Rhône).
Je cueille une rose jaune puis une rose rose. Je les enveloppe de sopalin humide pour qu'elles tiennent le voyage. Je prends un couteau pour trancher dans le sens de la largeur une petite bouteille de plastique et improvise un vase pour le transport. Dans le panier en osier, côté passager, j'enlève quelques pommes pour caler le bouquet que je destine à ma mère. 
À l'ehpad, dans une chambre plutôt cosy, décorée sommairement mais joliment, ma mère compte le nombre de mailles que compte un rang, 40. Et passe au rang suivant d'une chaussette qu'elle crochète. On papote, elle se confie, s'inquiète de me voir prendre la route pour Marseille le lendemain, je la rassure. 
Chez elle, c'est dans le reflet des vitres du vaisselier qu'elle regardait la télé. C'était pas une lubie, juste pratique lorsqu'elle était à table près du poêle à bois. Ici, assise dans son lit, elle est concentrée sur un épisode de Trains pas comme les autres, au Kazakhstan, dans le reflet qu'offre le grand miroir accroché au mur lui faisant face. Une guérisseuse frappe le présentateur avec un poumon de mouton fraîchement éviscéré. Puis elle lui crache à la figure pour le bénir et nous fait rigoler ma mère et moi.
Nous prenons l'air et le soleil sur un banc à l'extérieur. Elle et ses mots mêlés, moi et ma lecture. On appelle mon mec. Il l'interroge sur sa chatte qui a élu domicile chez ma sœur. Allez savoir pourquoi je pense à la comédie loufoque de Laurent Lafitte, L'origine du monde. Ma mère saisit la déviation inattendue qu'a pris mon esprit mal tourné et nous voilà tous les trois partis dans un fou rire irrépressible, on en pleure. 
Dans le réfectoire, le personnel pousse le volume de You're the one that I want de Grease. Ça change de Chez Laurette de Michel Delpech ou Salade de fruits de Bourvil. Et à propos de fruits, j'ai apporté des pêches de vigne et des figues du jardin de ma sœur. Que ma mère loge dans un tiroir en cas de fringale. 
Un résident s'invite dans la chambre de ma mère, il est souvent perdu et ma mère l'éconduit gentiment. Il voulait nous avertir de la tempête, la grosse, très très grosse tempête qu'ils annoncent. En République tchèque, plutôt. Il insiste pourtant. Ça part d'un bon sentiment, on le remercie. 
Il est l'heure pour moi de partir. Je lui rappelle que passe à 21h l'émission grâce à laquelle nous rirons le lendemain. Murielle s'est installée chez Pascal, éleveur de vaches dans les Deux-Sèvres. Rien ne trouve grâce aux yeux calculateurs de la prétendante : elle ne veut pas des haricots verts qu'il comptait lui cuisiner, ni de café, ni d'eau pétillante, ni de sirop de pêche, ça lui gratte le palais, la pêche, il faut des patins sous les chaises, des rideaux aux fenêtres, changer ce canapé hideux et dégager les branches de lilas qu'il a cueillies pour elle car elles puent et lui donnent mal au cerveau. Le boulet. 
Je n'ai pas trouvé de fin ou de pirouette à ce billet biscornu. Ou plutôt, la fin s'il en faut une, c'est que ma mère va beaucoup mieux. 
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