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Le français pour quoi ? Le multilinguisme, une planche de salut...

Par Gangoueus @lareus
français pour quoi multilinguisme, planche salut...

Pendant trois jours, des jeunes africains essentiellement se sont retrouvés autour de la langue française, de son usage, de son enseignement. Une initiative proposée par l'Institut Français. J'ai produit quelques notes introductives et j'aimerais aborder - par mon biais de lecture - le contenu, les échanges découlant de cette rencontre qui a eu lieu aupalais des Congrès de Cotonou.  

La jeunesse de Cotonou par ses étudiants et ses lycéens a répondu de manière massive à cette interpellation en venant à ce forum initié pat l'Institut Français qui a eu lieu au palais des congrès de Cotonou. Le français pour quoi faire ? Je vais vous donner un aperçu des échanges qui ont retenu mon attention et parfois ma libre interprétation de certaines interventions à cette rencontre, tant en plénière que dans les ateliers auxquels j'ai assisté. Je pourrai évoquer aussi un aparté avec des enseignants présents à cet événement. Effectivement, beaucoup d'enseignants de la langue française au Bénin étaient là. Attentifs. Contribuant aux échanges.

 
Rugosités

Lors de la plénière inaugurale, j'ai été attentif aux mots des intervenants proposant leur réponse libre à ce thème. Une écrivaine béninoise. Un acteur congolais du monde économique au Ghana. Puis plusieurs slameurs avec des approches très différentes. Je me suis interrogé sur cette place dominante des slameurs comme leaders d'opinion, au-delà des postures pertinentes ou pas, dégagés par leur propos. Bon, un slameur sait parler. Mais qu'est-ce qu'un leader d'opinion ? Est-ce que la caste des slameurs, à elle seule, est réellement porteuse des idéaux de l'ensemble de cette Afrique si jeune, pleine de potentiels ? Un slameur peut être poète. Beaucoup d'entre eux rejettent l'idée d'être assimilé à des griots. J'en ai parlé dans mon podcast avec la talentueuse Haj'Art. La réponse est dans les allocutions exprimées parfois de façon un peu molle et bien-pensante, parfois hors cadre, virulente, aux commissuresdes postures flamboyantes, populistes diront les mauvaises langues, d'un Kamal. Dans le fond,et c'est peut être l'intelligence des organisateurs, tous ces orateurs ont exprimé en français, leur point de convergence et leurs antagonismes par ce canal. Le slameur Kamal qui a marqué les esprits en marchant sur les codes et règles établis par le modérateur, a rappelé en auto-élargissant son temps de parole combien la langue française a régné sans partage en écrasant les langues locales. Il a souligné, de manière afro-responsable (les membres du think tank l'Afrique des idées dans lequel j'ai beaucoup contribué se reconnaitront), le caractère incongru qu'une telle rencontre des jeunes africains ne soit pas l'initiative d'un État africain. Kamal sait pointer du doigt les dysfonctionnements, les abus des acteurs de la scène qu'il observe. Les mots sont lâchés de manière cinglante : colonialisme, impérialisme, domination, langue imposée. Dans le fond, on le sait. Mais la répétition est un principe de l'éducation et un avertissement contre toute compromission… L'homme est nerveux, il a le verbe haut et la verve efficace. La situation est cocasse et marquante. Au repas, on discutera. Dans mon podcast, on y reviendra. La salle est conquise. Je me dis qu'un slameur, un seul suffit pour mettre ses tripes à nue.

Étanchéités

Parmi ces leaders d'opinion, un jeune entrepreneur congolais s'exprime. Il est basé au Ghana, un pays qui vient de rentrer dans la Francophonie, cerné de part et d'autre par des États francophones. Il rappelle le pragmatisme des anglophones en particulier dans le domaine du business. Est-ce que le Français peut servir to make money? Quand on est cernés de francophones, probablement. L'opportunité est-elle saisie ? Chacun commence à définir sa relation intéressée ou amoureuse à la langue de Molière.Cette matinale lance les hostilités ou les palabres. Pour être très honnête, les échanges ont été très courtois tout au long de ce forum.Des questions surd'autres plénières ont porté sur des thèmes consistant à savoir si le français est encore une langue coloniale, ou encore le fait de savoir si la langue française pouvait être un instrument des religions africaines comme le vaudou. Sur ce point, j'ai retenu une forme étanchéité à cette possibilité, à cette immiscion

Circulation et multilinguismes

Mieux au niveau des ateliers, la question de la création d'un passeport francophone facilitant la circulation dans les espaces où la langue française fait loi ou encore les usages du français dans la promotion du secteur du tourisme au Bénin, ont donné lieu à des échanges riches en petits comités. S'il est un point sur lequel j'aimerais m'appesantir, c'est la question duplurilinguisme. J'ai personnellement participé à l'atelier autour de la création d'un institut des langues africaines. Quelle vision ? Quels objectifs ? Quels moyens ? Quelle stratégie ? Quelle résistance ? Le multilinguisme a été, de mon point de vue, la question de ce forum. Beaucoup de contributions pertinentes au cours de cet atelier. Mais deux questions me turlupinaient, que j'ai d'ailleurs partagé en partie à Cotonou. Celle de l'état des lieux. Il est de mon point de vue délicat d'aborder le plurilinguisme et la promotion des langues locales comme si on part d'une table rase. Le multilinguisme est un aspect essentiel, une composante naturelle des états actuels Dans de nombreux pays africains francophones, des langues locales sont enseignées à l'université. Dans certains pays, ce sont langues officielles comme à Madagascar avec le merina ou en Tanzanie où le swahili est la norme. On voit donc l'enseignement de ces langues dans ces pays commencer dès le primaire. Quel est l'état des lieux ? Existe-t-il des éditeurs en langue locale ? L'autre question pourrait paraître un peu bâtarde. Est-ce vraiment le lieu d'engager un tel sujet par l'Institut Français ? Oui et non, je dirai. En fait, c'est la poursuite d'un constat : l'absence du politique culturelle africaine. Sur le terrain francophone. Une chose est certaine : la langue française a besoin du plurilinguisme pour continuer d'exister sur le continent Africain. Paradoxe n'est-ce pas ?

Histoire du monolinguisme

Peut-être faudrait-il revenir à l'origine du monolinguisme en France puis dans les colonies. La dure loi du "symbole" qu'au Bénin on désignepar "signal" a d'abord été pratiquée en France pour écraser les langues locales, dialectes et patois de province pour imposer par un jacobinisme triomphant, la langue de Paris. Pour avoir fait mes études à Montpellier, j'ai pu entendre, suivre ces débats douloureux sur les instituteurshussards de la République, défenseurs de l'homogénéité linguistique. Les "patois" ont été combattus pour que cessent les baragouinages desépopées napoléoniennes La même logique a été reproduite en Afrique. Mes parents sont passés par ces horribles punitions qui neutralisaient toutes velléités à s'exprimer en langue locale dans l'enceinte de l'école républicaine. Mais de nos jours, l'école n'est plus coercitive au Bénin. Elle ne pourrait l'être. On ne pourrait torturer les élèves comme à l'époque d'Augustin Niangouna, premier grammairien congolais dont les doigts furent déformés sous la colonisation à force de correction à la règle en fer pour lui faire assimiler les fameuses règles de grammaire… Le dramaturge en parle durant 571 pages dans le roman Salve d'honneur pour l'orchestre à Papa (éd.L'oeil d'or). Celui qui en parle le mieux, c'est Diadié Dembélé dans son roman Le duel des grands mères (éd. JC Lattès) avec son personnage Ahmet, un enfant de Bamako qui ploie joyeusement sous quatre langues : l'arabe à l'école coranique, le français à l'école, le bambara dans le quartier et le soninké à la maison et au village. De toutes les formes d'initiation à la langue pour cet enfant, le symbole est probablement le pus violent, même si avec le maître coranique ce ne devait pas être une partie de plaisir. Un roman à lire, si ce n'est pas fait. Je vous invite également à écouter mon podcast avec l'écrivain malien.

Enseignement et africanisation de la langue française

Ça ne veut pas dire grand chose "Africanisation de la langue français" j'en suis conscient comme d'autres ont dit : la langue française est devenue africaine. La question sous jacente est comment l'enseigner sans les moyens coercitifs  passées ?

Dès qu'on s'enfonce dans le monde rural, l'arrière-pays béninois, plusieurs enseignants sont obligés de passer par la langue locale pour mieux expliquer la langue française. Beaucoup de jeunes béninois peinent à retranscrire leur manière de penser dans la langue française. Dans le podcast que j'ai consacré à l'écrivain Chrys Amegan, nous avons abordé la question. Il en parle avec passion. De mon point de vue, une des fonctions de ces instituts de langues africaines consiste à participer à la conception d'ouvrages didactiques dans les langues locales. Je pense surtout que c'est un choix politique appartenant à ces pays. L'enseignement des langues africaines est une condition sine qua non pour éviter la cannibalisation de la langue française. Avec une retranscription plus qu'une traduction, je réalise que les tournures que j'aime chez certains auteurs africains sont la conséquence du monolinguisme dans de nombreux États francophones. Dans le roman Colorant Félix de Destin Akpo, cette question est abordée et la bande de joyeux lurons qui commentent les effets du coronavirus posent un discours sur les limites du français à porter certaines conceptions de la vie béninoise. Le plurilinguisme est au vu de ce que j'ai entendu, une possibilité de préserver la langue Française, éviter ainsi les malinkéisations et autres congolaiseries que les tenants,que les hussards africains d'une pureté de cette langue combattent mordicus. Tout cela pourrait paraître drôle tant ce débat est redondant parce que les États africains peinent à se saisir de ces questions.


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