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Hors saison

Publié le 16 septembre 2024 par Alexcessif

Résumé: j'avais envie de rejoindre mes frères humains — les frangines surtout —.  

Hors saison

Au petit déj, autour du buffet, je les vois chipoter — y’a pas de beurre salé?— j’aime pas la confiture de fraises — y’a pas mon thé au gingembre! —.

    Cassagnas-gare tombait à pic! Trois jours à crapahuter dans ce pays bossu des Cévennes de serres en valats comme l’écrit si bien Jipé Chabrol. Son bouquin m’avait tenu compagnie trois nuits durant. Le GR envahi, fui cet été par 35° était, hors saison, désertique, avec 11 petits degrés au compteur. 

    J’avais quitté le Pont de Montvert, rallié trop tard pour déjeuner d’un repas chaud, la pluie m’avait cueilli sur la Cham de Lermé sitôt après une rude montée. Trempé en qq minutes, j’augurai mal de la nuit à venir mais c’était beau. La Lande parsemée d’énormes cailloux, de cryptogames vasculaires préhistoriques — les fougères —, d‘herbes inconnues plus hautes que moi chahutées par le vent, c’était même musical. Le son mais pas la lumière. Le ciel gris bien noir, très bas, du bon gros cumulus avec des éclairs dedans. Subjugué, inquiet, j’invoquai les forces obscures. 

   En bivouac je ne compte plus les moments magiques avec la solution juste à temps. Entre autre, sur Belle Île ma tente avait tenue par grand vent très peu ancrée par quatre piquets faiblement plantés dans le sable comme sur ce plateau escarpé en Corse où seul le poids de mon petit corps lui avait évité de partir comme une voile vers la mer que j’apercevais au loin. Entre le Mont et la pointe du Groin, la pluie avait attendu courtoisement que ma tente soit érigée pour déchaîner toute sa puissance bretonne. Elle avait cessé poliment avec le lever du jour, le vent avait séché la toile et le prochain café/croissant n’était qu’à deux heures de marche. 

La pluie c’est l’intermittente du spectacle qui ravit ou pas le randonneur. On l’aura compris la configuration idéale, dont la recette est aux mains des forces obscures de l’aérologie, est celle rencontrée sur le sentier des douaniers entre Cancale et Saint Malo: tu t’installes soigneusement et le dernier piquet fixé, j’envoie la sauce. Demain je t’envoie le vent pour faire sécher le linge et tu te casses.

Dans ce coin des Cévennes, ce paysage somptueux n’offrait aucune solution. Pas un arbre! Ah, une cabane. T’as de la chatte gros! — chuis assez familier avec Ma Majesté Moi quand le pacte avec les augures mystérieux de la nature est respecté —. La nuit, abrité, au matin, sec et affamé, je pouvais profiter du spectacle. Le vent effilochait les nuages, le cumulus devenait nimbus puis alto-cyrrhus dans la hiérarchie des hautes couches de l’atmosphère. Un petit crachin subsistait, je lui offris mon visage puisque de douche il n’y aurait point et je mis le cap azimut Cassagnas-gare et son écrasé maison de pommes de terre aux saucisses fourrées à la chair de blettes.

Ah mes fréres zumains je vous aime — les frangines surtout — mais arrêtez de chipoter! La démocratie ce n’est pas avoir 20 sortes de beurre et un buffet à volonté! Montez de la mine, descendez des collines camarââââdeuh, hissez le drapeau noir et venez au signal de Bougés avec Rolland l’insoumis crapahuter de serres en valats, de crêtes en ravines et de pech en combes au lieu de traîner sur une trottinette électrique, un starbuck à la main pour sauver la planète 

La fréquentation de ses semblables est parfois le châtiment d'avoir transiger avec sa propre solitude 

Du bon usage du monde. Paris septembre 2024


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