Magazine Politique
Tout l'été nous étions Tibétains par procuration. Nous étions indignés de la violence chinoise. Parfois, nous étions en faveur d'une indépendance du Tibet. Peu importaient la souveraineté et l'intégrité territoriale de la RPC, nous avions un "devoir d'ingérence" comme disait quelqu'un. Nolens volens, notre diplomatie jouait une valse ridicule pour dire sans trop le dire qu'elle approuvait l'humeur populaire tout en ménageant l'empire du milieu.
Aujourd'hui les Russes reconnaissent l'indépendance de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie. Le bruit des chars à la porte de l'Europe paraît un peu plus audible. La diplomatie européenne condamne la provocation russe au nom du respect des traités, de la souveraineté et de l'intégrité du territoire géorgien (membre du Conseil de l'Europe). On dit craindre, et sûrement avec raison, une nouvelle épuration ethnique dans les dépouilles de l'ancien empire soviétique.
Mais derrière tous les principes affichés, on sent bien qu'il s'agit ici, pour les grandes puissances, de géostratégie, de zones d'influence, d'haines recuites, de ressources territoriales ou que sais-je encore. Il ne s'agit pas vraiment du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, d'ailleurs qu'est-ce qu'un peuple ? La Fédération de Russie verrait bien une Ossétie réunifiée en son sein. Déjà depuis longtemps, lorsqu'on allume un GSM en Ossétie du sud, le message d'accueil souhaite la "bienvenue en Russie" (**)...
La raison commande de s'inquiéter et de condamner l'attitude russe. Et pourtant la juxtaposition de notre indignation pro-tibétaine et de notre volonté de maintenir la partition ossète laisse perplexe. Du coup, totalement ignare au sujet des conflits du Sud Caucase (***), je manque de sincérité pour vibrer à l'unisson de nos dirigeants.
C'est que, voyez-vous, les Ossètes n'ont pas de dalaï-lama...
(*) Les Ossètes seraient, parait-il, de lointains descendants des Scythes.
(**) Anecdote de Ieva Rucevska en mission humanitaire en Ossétie du Sud.
(***) Totalement ignare des conflits du Sud Caucase disais-je, mais je ne demande qu'à être éclairé...