Anthologie permanente : Kiril Kadiiski

Par Florence Trocmé

Bibliothèque

À Dimitar Milanov

Tu te tais, muré de livres de tous côtés,
si dur est le mortier d’illustres pensées
que jamais tu n’arriveras à percer les murs épais
de cette tour de Babel.

Le feu flambe. Des reflets jouent sur les murs :
une main invisible court et s’acharne
à tracer : Mané, Thécel, Pharès…. Le cœur gémit,
Car il sait : demain il y aura encore des ruines.

De qui triomphons-nous et pourquoi, qui osa le premier
se rendre au festin de minuit –
si la joie qui suit toute victoire est anticipée…

La nuit… Le vent se précipite dans la cheminée et se déchaîne,
feuilletant le feu – anthologie ensanglantée –
mais qu’y lira-t-il de toi, de moi, de nous tous ?…

Quelques semaines avant que les éditions L’Esprit des péninsules annoncent la cessation de leur activité (triste temps pour l’édition indépendante !), cette maison, en coopération avec les Presses Universitaires St.Clément d’Okhrid, publiait un volume de presque huit cent pages rassemblant l’œuvre poétique du grand poète bulgare Kiril Kadiiski. C’est une édition trilingue qui présente les textes originaux ainsi que les traductions en anglais d’Ann Diamond et les traductions en français dues à Sylvia Wagenstein et à Nicole Laurent-Catrice, en collaboration avec l’auteur. C’est de ce livre qu’est tiré le poème ci-dessus.
Cette édition soignée, pourvue d’informations précises sur la vie et l’œuvre de Kadiiski, est introduite par quelques pages éclairantes de Stéphane Baquey sur le parcours de Kiril Kadiiski. Une approche différenciée de sa dissidence.
Kadiiski, qui dirige depuis 2005 le Centre culturel bulgare de Paris, n’est pas un inconnu pour les lecteurs français. Plusieurs recueils de ses poèmes étaient déjà parus en France, chez divers éditeurs, dont Fata Morgana. En mai 2001 il était l’un des écrivains bulgares invités en France dans le cadre des Belles étrangères et en 2002 il recevait le Prix Max Jacob étranger.
Ce poète, né en 1947, a connu des conflits avec l’Union des écrivains bulgares. Aussi n’a-t-il que peu publié officiellement jusqu’en 1989, faisant paraître en revanche ses traductions de Villon, Verlaine, Mallarmé, Rimbaud, Apollinaire et d’autres poètes français.
Ce volume Poèmes publié par l’Esprit des péninsules permet donc de prendre toute la mesure de cette œuvre.

Choix du poème et présentation par Alain Lance