Un homme retrouve son désir perdu auprès d’une femme qui autrefois fut celle d’un autre. Cet autre, en retour, s’éprend de lui qui possède pourtant la femme perdue. Enfin, il y a cette autre femme qui tue son amant parce que son fils tombe amoureux de lui. Quelles que soient les configurations, toujours le désir est triangulaire et semble ne pouvoir naître qu’ainsi.
Dans un cas, le désir renaît en copiant celui d’un autre. Le désir est ravivé par le truchement d’un autre. J’aime alors celui que tu aimes, le même que tu aimes. Non parce que l’objet est tel, mais parce qu’il est tien. Brusquement, un objet s’éclaire du désir d’un autre et rallume le désir, flottant et indéterminé. En désirant un objet le rival le désigne comme désirable, dirait René Girard.
Dans le second, l’amour déçu déplace son désir de l’objet perdu sur le rival élu. Curieusement, la violence cède à l’amour et le désir se substitue à la rivalité. J’aime alors celui qui possède à ma place et qui, animé du feu de son désir, devient lui-même désirable. En désirant un objet le rival se désigne comme désirable.
Enfin, troisième cas, j’aime l’objet que tu aimes faute de pouvoir te posséder. Le désir, là encore, est commandé par un autre, soigneusement dissimulé. Et le second désir sert de paravent au premier. Dans tous les cas, le désir n’est pas la relation binaire d’un sujet à un objet déterminé, mais quelque chose est désiré à partir d’un troisième terme. Ce qui crée le « dispositif du désir », ce n’est pas un objet unique, mais une autre personne derrière l’objet.
Souvent le désir semble faire un détour, contourner l’objet d’amour véritable et n’aimer qu’indirectement. Derrière l’objet désiré, il y a une autre personne. Mais plus souvent encore, ce qui enflamme le désir est un autre désir.