Roman - 250 pages
Éditions Emmanuelle Collas - septembre 2020
Grand prix du roman métis des Lycéens - 2021
Prix Goncourt des Lycéens - 2020
Prix Orange du Livre en Afrique - 2019
La jeune Ramla est promise à son amoureux Aminou, l'étudiant charmant qui poursuit un cursus au Maroc. Mais le père de la jeune fille un beau jour en décide autrement : elle va plutôt se marier au richissime dignitaire Alhadji. La première épouse de ce dernier, Safira, enrage mais le cache. Pas loin, la jeune Hindou, sœur de Ramla, est aussi mariée sans consentement au jeune Moubarak, qui se révèle trompeur, alcoolique et violent. Toutes ces femmes subissent avant de tenter de se révolter, quand l’entourage leur répète inlassablement de faire preuve de patience, patience et encore patience... Munyal !!
Quel roman ! On en ressort, étouffé et meurtri, après avoir évolué ces années dans l'intimité sombre de ces femmes qui se doivent d'être l'absence d'elles-mêmes. Derrière ce mantra de la patience, c'est toute une coutume d'asservissement qui réduit les femmes au silence et à l'obéissance sans limite au mari qui, lui, doit en tirer tous les honneurs. Cette patience c'est le lit de leur pourriture, de leur destruction, de leur éternel silence. L'impatience quand elle les prend, pousse les femmes à la colère ou à la fuite, au déshonneur et à la punition.
Extrait :
"Patience, munyal, Hindou ! On te l'a déjà dit. Une peule ne pleure pas quand elle accouche. Elle ne se plaint pas. N'oublie pas. A chaque instant de ta vie, tu dois te maîtriser et tout contrôler. Ne pleure pas, ne crie pas, ne parle même pas ! Si tu pleures à ton premier accouchement, tu pleureras à tous les autres. Si tu cries, ta dignité sera bafouée. Il y a aura toujours quelqu'un pour raconter au quartier que tu es une poltronne. On serre les dents mais on ne se mord pas les lèvres. Si tu mords les lèvres, tu pourras les transpercer au plus fort de la douleur et sans même t'en rendre compte. C'est la volonté d'Allah d'enfanter dans la douleur mais un enfant n'a pas de prix. Patience ! C'est à cause de cette douleur qu'on dit que l'accouchement est le jihad des femmes. C'est grâce à lui qu'on va directement au Paradis si on y laisse la vie. C'est à cause de lui qu'un enfant sera toujours redevable à sa mère."
Le roman dont l'histoire se déroule dans un village du nord du Cameroun, au sein de populations peules du Sahel, se déroule de nos jours, et la force de ce roman est aussi de donner un ton actuel, un vocabulaire contemporain, pour une histoire qui peut nous paraître d'un autre temps. L'autrice a une écriture remarquable et ne fait pas de concession, elle expose la violence et les injustices d'un patriarcat tout puissant, ainsi que les relations complexes, d'observation et de ruse entre les épouses d'un foyer polygame. Mais ce qu'elle souligne surtout, c'est l'immense gâchis de jeunes filles scolarisées, douées, qui n'auront aucune maîtrise de leur destin et aucun encouragement à l'émancipation, la liberté, le savoir.