Pourtant, tout avait idéalement commencé. Adoubés par les Beatles qui en firent leurs protégés et très vite la tête de gondole de Apple leur label nouvellement créé, tout semble idéalement réussir à Badfinger, anciens The Iveys groupe pop d'ascendance galloise. Déjà les mecs ont du charisme et surtout un talent fou pour trousser des vignettes pop débordantes de maîtrise. Tout comme les Beatles....et l'ensemble des groupes précités, le groupe compte en son sein 3 compositeurs. George le 3ème homme s'amourache d'eux au point que Badfinger figure tout entier au casting du fantastique All Things Must Pass (1971). D'ailleurs il est aux manettes et produit ce troisième album aux côtés du fou notoire Todd Rundgren qui a entre autres à son actif les mythiques premières oeuvres de Sparks ou New York Dolls ; chacun gére séparément ses titresPete Ham remarquable leader naturel et guitariste doué aux côtés de l'autre homme fort le bassiste Tom Evans, est un peu moins en verve par rapport aux albums précédents où il signait quasiment tout avec son binôme. Enfin si l'on peut dire car tout de même 5 des 11 titres sont de lui. Et quels titres ! "Take it all", "Baby blue", ''Perfection", "Name of the game", "Day after day" excusez du peu ; et son timbre écorché fait une nouvelle fois merveille. Les deux derniers titres notamment sont impressionnants de solennité et de recueillement. Evans n'est pas en reste même si plus effacé il ne signe que 3 titres dont "Money" (pas celui-là l'autre !) Et c'est surtout l'émergence de Joey Molland qui est remarquable et contribue aussi à faire de Straight Up troisième album du quatuor, le sommet créatif du groupe. Qu'on en juge : "I'd die babe" sensationnelle pop song early Fab Four que Lennon et Macca ont oublié d'écrire, le boogie couillu de "Suitcase", la tendre et acoustique "Sweet Tuesday morning", l'une des plus formidables ballades du groupe.Même si les relations avec Rundgren sont orageuses, il y a de bonnes vibes avec Harrison qui distille sa slide ici et là, ou le grand Leon Russell qui est du casting sur quelque partie de piano ("Day after day") ; l'album rencontre un certain succès et tout paraît propice à un bel avenir.
On connaît la suite : le deal prétendument juteux avec Warner pour échapper au requin Allen Klein, aboutira à la disgrâce du groupe. Ni les excellents Ass en 1973 qui est antérieur à la signature et contient le mirifique "Timeless" ni Wish You Were Here de 74 (soit un an avant l' ''autre'' n'enfonceront le clou. Entre temps un agent véreux leur a subtilisé toute l'avance consentie par leur nouveau label. Wish You Were Here est retiré des bacs, un nouveau très bon disque Head First ne paraît pas et posthume, ne sera dévoilé que très ultérieurement.Lassé de toutes ces avanies, Pete Ham se suicide par pendaison en 1975 ; il est d'ailleurs l'artiste majeur régulièrement omis du club des 27. Et fait unique dans les annales du rock, son ami et complice qui pourtant avait dignement continué l'aventure avec Joey Molland reproduit le même geste fatal de Pete en 1983.
On ne compte plus les groupes qui vouent un culte à Badfinger. Tous ceux pour qui les power chords et les refrains ciselés ont un sens doivent leur obole aux quatre de Swansea. Les puristes, ceux qui savent leur ont octroyé depuis longtemps une place de premier choix et qui ignore le Hall Of Fame.
En bref : le destin hors du commun de Badfinger est un cas d'école. Dépositaires d'une discographie dont 3 albums sont des sans-faute, Straight Up est celui qui encapsule le mieux le talent d'un binôme infernal. A redécouvrir et / ou à défendre plus que jamais.