Michel Barnier : l’effervescente mollesse de l’extrême-centre antilibéral

Publié le 09 septembre 2024 par H16

Voilà, c’est fait : après deux mois d’atermoiements et de “consultations” aussi théâtrales qu’inutiles, Macron a fini par désigner Michel Barnier comme nouveau premier ministre en remplacement du stagiaire Gabriel Attal qui venait pourtant tout juste de maîtriser la photocopieuse au rez-de-chaussée.

Comme on pouvait le prévoir depuis la dissolution et les résultats en demi-teinte des élections législatives de Juin, la nomination de ce vieux cacique de la droite centriste a provoqué une cataracte de larmes de gauchistes : instantanément, les castors cocos se sont transformés en castors cocus, les poussant à alimenter tous les réseaux sociaux de leur amertume devant une issue qui était pourtant aussi prévisible qu’amusante.

Eh non, l’opération de communication artificielle et tonitruante de la gauche pour propulser une comptable de la Ville de Paris comme candidate au poste de Premier ministre n’a pas fonctionné. Lucie Castets va pouvoir retrouver les locaux douillets de la Mairie et ses conversations à la machine à café dont on se doute qu’elles vont être un temps plus animées, avant de se fondre à nouveau dans l’anonymat qu’elle n’aurait probablement jamais dû quitter. Gageons cependant que les petits marquis du NFP sauront faire durer le plaisir et qu’on n’a pas fini de voir revenir son nom tant l’énarque grisonnante colle bien au politiquement correct du moment.

Pour beaucoup, Barnier semble avoir été choisi après de longues tractations entre les différents partis politiques et le chef de l’État.

En pratique, il n’en est rien et il est même à parier que sa nomination était dans les tuyaux dès les résultats du second tour consolidés. Les deux mois qui ont suivi ont été essentiels pour Macron afin de garantir que l’arrivée de Barnier à Matignon se passe dans des conditions favorables avec le moins de grincements de dents possibles.

Ainsi, l’étape Cazeneuve est assez typique d’une manœuvre politique classique destinée, ici, à diviser les rangs du NFP (ce qui a assez bien fonctionné, reconnaissons-le). Le pauvre Bernard n’avait en réalité aucune chance d’être nommé, tant par le fait qu’il hérissait une partie de la gauche que par le fait que Macron ne veut pas toucher à la dernière réforme des retraites. Tout comme le théâtre Castets a fait miroiter aux militants de gauche une chimérique capacité du NFP a imposer quelqu’un et les a distrait comiquement pendant deux mois, le théâtre Cazeneuve a permis de garantir un Premier ministre hors du bloc de gauche et notamment des excités de LFI rapidement devenus encore plus infréquentables que le RN (belle performance au passage).

De ce point de vue, difficile de ne pas comprendre que Mélenchon a ici agi dans le meilleur intérêt de Macron, d’autant plus facilement que nos deux compères s’entendent très bien en coulisse. Si l’on y ajoute les efforts d’Alexis Kohler (le secrétaire de l’Élysée) pour pousser le nom de Barnier depuis plusieurs mois (en pratique, ce nom circulait déjà en 2022), on comprend que placer l’ex-commissaire européen à Matignon n’avait rien d’une surprise.

Quant à la politique qu’il mènera, il n’y a aucune chance qu’elle surprenne : il a été pris précisément pour sa capacité à continuer à plumer les oies françaises en limitant leurs cris, et c’est d’ailleurs ce qu’il a clairement exprimé dans ses premières prises de paroles publiques.

Ainsi, les cris d’orfraie de toute la gauche qui éructe sur l’ultralibéralisme de Barnier donnent une bonne indication de la direction générale que prendra le gouvernement : étatiste standard pétri du socialisme mou dont tous les politiciens français font usage dès lors qu’ils sont au pouvoir, il a déjà amplement montré sa volonté de ne surtout pas s’approcher, même de loin, de quelque libéralisme que ce soit tant en matière politique qu’en matière économique ou même sociale.

En réalité, ses petites phrases sur une volonté de faire revenir la sécurité en France, d’y contrôler l’immigration ou de vouloir corriger les problèmes économiques liés à la dette doivent se comprendre dans le cadre mental d’un fonctionnaire français hyper-consensuel, à l’extrême-centre et politiquement correct au point de frôler le suicide, c’est-à-dire qu’absolument rien ne sera fait concernant ces domaines et qu’il fera absolument tout son possible pour maintenir le statu quo.

Il suffit pour le comprendre d’écouter ses déclarations sur la situation économique, qu’il juge (à raison) très grave, mais qu’il embourbe immédiatement dans une notion de “dette écologique” ridicule qui permettra absolument toutes les pirouettes budgétaires, y compris les plus néfastes et délirantes.

Le seul avantage de Barnier – que ce dernier a d’ailleurs poussé sans difficulté lors de la passation sur le perron de Matignon – est son expérience et une meilleure connaissance des us et coutumes politiques françaises, ce qui permet de remettre un blanc-bec à sa place sans que ce dernier ne puisse moufter. Au-delà de cet aspect, Barnier sera essentiellement à la tête d’un gouvernement technique, gérant les affaires courantes et ne pouvant, de fait, se lancer dans aucune réforme un tant soit peu couillue sans risquer une censure rapide des deux tiers de l’Assemblée.

Eh oui : les marges de manœuvre gouvernementales sont nulles et l’auraient été tout autant avec le clown Cazeneuve, la potiche Castets ou n’importe quel autre dessert lacté que Macron aurait eu la fantaisie de nommer ; les caisses de l’État sont vides, les dettes abyssales et la situation économique catastrophique.

Aucune réforme possible d’un côté et un budget auquel il manquera (au bas mot) 60 milliards d’euros de l’autre ? Il n’y aura donc – si l’on écarte le défaut de paiement, toujours possible – qu’une pluie d’impôts et de taxes qui permettra de résoudre l’équation. Cela tombe bien, c’est ce qu’explique Barnier lorsqu’il explique envisager une “plus grande justice fiscale” : cette dernière étant une chimère socialiste qui n’a jamais été utilisée que pour tabasser fiscalement les classes moyennes, on sait d’ores et déjà que le nouveau Premier ministre va… tabasser fiscalement les classes moyennes.

Parallèlement, comme la gauche – et surtout l’extrême-gauche – ne voudra absolument rien laisser passer, le pays peut déjà se préparer à une période de manifestations plus ou moins violentes inclusives, des grèves paralysantes éco-responsables et des blocages divers et variés.

Même si la participation microscopique aux dernières gesticulations du week-end donnent une bonne idée de la force réelle de cette extrême-gauche effervescente, même si une partie de la gauche serait sans doute prête à des compromis pour faire avancer les choses, il est garanti que les excités de LFI et de cette partie de la population qui bénéficie de l’État providence (médias, syndicats, étudiants, lycéens et artistes, notamment) ont tout intérêt à continuer à s’agiter et à réclamer une destitution voire un changement de régime : après tout, Macron a durablement fusillé toute crédibilité des institutions, et les gauchistes ont toujours été réputés pour leur capacité à s’emparer du pouvoir par la force lorsque celle-ci abandonne les autorités en place.

Dans ce contexte, Macron pourrait avoir du mal à tenir encore dix mois avant la prochaine fenêtre possible pour une nouvelle dissolution : entre les problèmes budgétaires, sociaux et politiques, le locataire de l’Élysée apparaît de plus en plus coincé, et de toute façon, vu la direction prise, quoi qu’il fasse maintenant, ce pays est foutu.

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