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Deux Poèmes de Murièle Modély sur le monde du travail

Par Etcetera
Deux Poèmes Murièle Modély monde travail

Le recueil « User le bleu » (suivi de Sous la peau) était paru chez l’éditeur Aux cailloux des chemins en 2020, dans la collection Nuits indormies.
Murièle Modély aborde dans ce livre le thème du travail, de la vie en entreprise, des chefs et des collègues, d’une manière à la fois réaliste, directe et imagée. Le tableau qu’elle fait du monde du travail n’est pas très réjouissant (comme l’expérience générale le confirme) mais, par la grâce et la précision de ses mots, alliée à une lucidité compatissante sur les gens, nous nous sentons touchés, concernés, en connivence avec la poète.

Note biographique sur Murièle Modély

Bibliothécaire de profession, elle commence à explorer l’écriture poétique sur son blog avant de participer à des revues telles que Nouveaux Délits, Les tas de mots, Poème sale, Microbe, ou encore Traction Brabant.
2012 « Penser maillée », 2014 « Je te vois », 2016 « Feu de tout bois » , 2018 « Tu écris des poèmes »,  2019 « Radicelles »
Adresse de son blog et lien : L’Œil bande, sur Blogspot.

(Source : Site de l’éditeur)

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Choix de deux Poèmes

Page 9

Reprise du travail (après longue maladie)

J’ai repris le travail le deux janvier
toute la journée, je n’ai pas arrêté
bonne année par-ci, bonne année par-là
bonne année machin, bonne année machine
vers dix-sept heures, ma bouche n’en pouvait plus
tricoter des amas de salive aux commissures
de temps en temps, je courais aux toilettes vérifier
si cette impression d’être une bête
de somme
était un tour de mon imagination
toute la journée, j’avais henni
retroussé des babines
montré des dents
« c’était un jour nouveau »
je ne me faisais aucune illusion
je savais que cette année encore
je ne mordrais pas

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Page 22

Note interne (1)

J’ai assisté aux obsèques
parce que la femme
que je vois tous les jours
à qui je confie missions et tâches
que j’évalue, que je note
que je remercie
que je réprimande
qui est un bon élément
de l’équipe qui fait preuve
de conscience professionnelle
cette femme
a un jour été enfant sur ses genoux
a aussi été le premier battement
dans le creux de ses bras
je suis allée aux obsèques de la mère
de cette femme
que je ne connais pas
et mon chef m’a dit merci
merci d’avoir représenté l’institution
auprès de la femme
que personne ne connaît non plus
elle se tenait devant l’autel
avec dans sa main froide
une bougie éteinte merci ses yeux avaient
je le voyais pour la première fois
la profondeur de la mer
l’entreprise se dissolvant au fond de l’océan
dans des fumées blanches et des odeurs d’encens

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