L’Inéluctable Désarroi de la Violence Ordinaire
Un banal jour de mars...
À Sevran, entre les tours aux allures de béton armé et les avenues impersonnelles, la mort se promène parfois en fourgonnette.
Le 26 mars 2022, sur l’avenue Suzanne Lenglen, la banalité du mal a encore frappé. Un automobiliste, dans une camionnette déclarée volée quelques minutes avant, fait face aux membres de la brigade anticriminalité (BAC) d'Aulnay-sous-Bois. L’ordre est donné, l’homme refuse de s’arrêter. Alors, un policier dégaine, et le coup part.
L'homme est touché au foie, le véhicule s’immobilise un peu plus loin, quartier des Beaudottes. Quelques heures plus tard, l’homme succombe à ses blessures, rejoignant ainsi la longue liste des anonymes pour qui la journée a pris fin trop tôt.
La justice sans conviction
Il aura fallu attendre plus de deux ans avant que les juges d’instruction, dans un silence feutré, ordonnent le renvoi en procès du fonctionnaire qui a tiré.
Dans leur ordonnance, la légitime défense, invoquée sans relâche par l’avocate du policier, est balayée d’un revers de plume.
Ils tranchent : « L’usage de l’arme n’était ni nécessaire ni proportionné ». À l’heure où les caméras de vidéosurveillance révèlent une autre version, l’argument de la peur pour la vie s’effondre.
Comme souvent, la justice constate, évalue, mais semble hésiter, toujours, à assumer la brutalité d'une décision sans ambiguïté.
Entre le devoir et la culpabilité
« J’ai craint pour ma vie, pour celles des passants », martèle le policier incriminé. La peur comme justification, le contexte comme cadre légal. Pour lui, l’affaire est claire, mais pour les juges, la réalité est autrement plus complexe.
Les témoignages et les images se dressent comme autant de barrières contre sa version des faits. Un fossé s’ouvre, béant, entre la loi et ceux qui la font appliquer.
Une société qui ne sait plus comment arbitrer ses contradictions internes, où l’individu devient victime d’un système qui le dépasse.
Réactions et contre-réactions
Face à cette mise en accusation, l’avocate du policier de 35 ans, Me Pauline Ragot, ne cède rien.
Elle insiste : « Mon client a agi dans un cadre légal, il fait appel de cette décision ».
Mais la réalité demeure immuable, indifférente aux argumentaires juridiques.
Dans cette France où 8 citoyens sur 10 estiment que la justice est trop laxiste, ce procès ne sera qu’un nouveau chapitre dans une histoire de méfiance et d’incompréhension mutuelle entre une institution et ceux qu’elle est censée protéger.