Affaire Kamilya : Un rodéo urbain qui vire au cauchemar
Il y a des événements qui, de leur brutalité, saisissent la conscience d’un pays tout entier.
À Vallauris, près de Nice, le 29 août 2024, une fillette de sept ans, Kamilya, s'est retrouvée au centre d'une de ces tragédies qui marquent une nation.
Elle traversait un passage piéton avec son frère, comme on le fait tous les jours, insouciante, légère. Une scène banale, de celles qui n'intéressent personne, jusqu'au moment où tout bascule : un motard en roue arrière, défiant la logique et le sens de la vie lui-même, roulant à contresens sur une Yamaha de 600 cm³. Le choc est brutal. Kamilya est fauchée, sa petite silhouette projetée sur l’asphalte. On la transporte d'urgence à l’hôpital, plongée dans un coma artificiel, mais la mort ne tarde pas. Elle vient la cueillir le 1er septembre.
Slim, le père de Kamilya, annonce la nouvelle lors d’un rassemblement en hommage à sa fille. Ses mots sont lourds, pesants comme des pierres : « Kamilya est morte sur ce passage piéton. Qu’elle repose en paix, on m’a dit qu’elle n’a pas souffert. » Une phrase sèche, une manière de tenir bon devant l'innommable, de s'accrocher à cette idée consolatrice que la mort n'aurait pas eu le temps de faire mal. Le pays est secoué, la famille brisée. Les soutiens affluent, des dons se multiplient. Plus de 18 000 euros sont récoltés en quelques jours. L’argent, face à la mort, a toujours ce goût amer de l'inutilité.
Le jeune motard, Mattéo, 19 ans, a été rapidement interpellé, placé en garde à vue. Les charges retenues : blessures involontaires. Mais il est relâché sous contrôle judiciaire, et là, c'est l'explosion. Slim, meurtri, écrit sur les réseaux sociaux : « Vive la justice française. Aucun respect pour notre fille ni pour nous-mêmes. » Une colère froide, une incompréhension totale devant ce qu'il perçoit comme une indulgence insupportable.
Cette affaire met à nu, encore une fois, les failles béantes d'une société aux prises avec elle-même. Les rodéos urbains, ces jeux insensés où la vie ne vaut pas grand-chose, se multiplient dans les cités, se répandent comme une traînée de poudre. Les autorités, désarmées ou indifférentes, semblent dépassées. Ces courses, organisées via les réseaux sociaux, n'attirent que des jeunes en quête de sensations. Mais trop souvent, ces ébats motorisés virent au drame.
La mort de Kamilya relance une fois de plus ce vieux débat sur la sécurité routière, sur la responsabilité des conducteurs. Le couple, désespéré mais tenace, réclame des mesures strictes, une révision des lois, une application plus ferme des sanctions. Mais en attendant, il faut enterrer la petite Kamilya, loin d’ici, en Tunisie, leur terre d’origine. « Même dans la mort, elle n’a pas pleuré. En 7 ans, elle n’a jamais pleuré », murmure Slim, cherchant désespérément une lueur de réconfort dans cette nuit sans fin.
Kamilya, petite fille fauchée par l’absurdité d’un monde qui tourne de plus en plus à vide, devient malgré elle le symbole de l’irresponsabilité humaine, de la fragilité de toute existence, de cette lente descente vers le chaos.