Heureux de vous retrouver après une longue absence, trois semaines dans l'Auvergne et en Espagne, sans internet, sans blog, mais avec des livres électroniques et des lecteurs eink, mon Sonyreader et un Cybook gentiment prêté, les deux chargés de livres, quel régal... Bon, j'ai quand même sacrifié au papier avec deux livres formidables (deux pavés d'ailleurs, bien lourds pour ma valise), l'un de Richard Powers, "Trois fermiers s'en vont au bal" au Cherche-Midi. J'avais déja lu "Le Temps où nous chantions" avec beaucoup de plaisir, décidément cette collection Lot49 codirigé par Claro recèle des pépites inestimables... Je vous conseille une interview récente de l'auteur qui vient de sortir un nouveau livre "La Chambre aux Echos" (que je vais m'empresser de lire évidemment). Ce Richard Powers de la lignée de Pynchon, Gaddis et autre Vollmann... Un régal, et un chapitre 19 qui démonte le processus photographique et notre rapport à l'image et la machine dans l'acte de création artistique. Résonne étrangement avec le livre électronique (vous allez me dire que je ne pense qu'à cela!), je me permet de vous donner un passage :
"Cette aptitude à reproduire à l'infini des images quasi-identiques sans intervention de la main de l'homme apparaît soit comme la plus grande perversion de l'ère de la machine, soit comme son accomplissement le plus prometteur. La machine n'accorde aucune valeur au processus, seul compte le résultat obtenu...
Aussi chaque époque voit-elle une large part de la population reprocher à la machine d'être deshumanisante, moribonde, impitoyable, débilitante, incontrôlable, banale, laide (on dirait une rélexion sur le Kindle ! ) ; bref d'incarner ce qu'il y a de pire sous les mots "mécanique" et "production de masse". Pour les détracteurs de la machine, la valeur d'un objet se mesure à la part d'humanité qu'on lui attribue et à la chaleur dont on l'entoure. La reproduction détruit le caractère unique des choses et leur valeur. Le culte de la beauté ne reconnait que deux critères : la difficulté et l'effort... Dans le camp anti-technologique on adopte une position encore plus radicale : la reproduction massive d'images photographiques était à l'origine des valeurs qui allaient détruire le beau, le singulier, l'humain et toute l'humanité... Pour d'autres, qui s'opposent à ces vues, prodution standardisée et reproduction offrent une alternative bienvenue et libératrice à la tyrannie de l'esthétique élitiste... Considérée sous cet angle, la photographie, c'est-à-dire la reproduction et la distribution de masse, permet enfin de propager et de démocratiser la valeur artistique. Pour la première fois dans l'Histoire, dupliquer une image n'est pas plus difficile ni plus coûteux que d'admirer l'original. La sacro-sainte barrière qui séparait autrefois le fabricant et l'amateur d'art s'effondre aujourd'hui. Les mécanophobes déplorent la déchéance de l'auteur dont le titre revient au grand public. Les mécanophiles, eux, se réjouissent que le grand public soit élevé au rang d'auteur..." (traduction Jean-Yves Pellegrin)
Alors, mécanophobes ou mécanophiles ? Bien autre chose dans ce roman, je vous recommande une excellente critique chez Atout-Livre.
Autre livre-papier, celui de Pascal Mercier, "Train de nuit pour Lisbonne", un livre incomparable véritable parcours-voyage initiatique d'un auteur suisse allemand dont le véritable nom est Peter Bieri et que j'avais raté il y a quelques années (interview ancienne dans Libé et critique dans Matricules des Anges). Le hasard fait qu'un second livre parait dans cette rentrée, courez-vite chez votre libraire pour cet "Accordeur de pianos", certainement un livre qui va compter, en tout cas j'espère pour l'auteur et l'éditeur...
J'ai donc alterné mes lectures entre papier et encre électronique (cinq autres romans lus, et oui...) pour mon plus grand plaisir et celui de ma compagne que j'ai converti complètement. Elle m'a même gratifié d'un "c'est vraiment bien, c'est même mieux pour tous les gros livres lourds..." et pourtant, je vous prie de croire qu'elle est allergique à l'internet et aux technologies de l'information...
Vacances de lectures, et à l'arrivée plaisir identique sur les deux supports dans n'importe quelles conditions, plein air, plage, campagne, voiture et au lit... (au fait, Bernard, il en est où de ses chroniques?). Seule différence ? L'état pitoyable de mes deux pavés (moi qui suit un peu maniaque quant à l'état de mes livres...), si on aime la lecture en vacances, les livres en papier n'aiment vraiment pas les voyages et les vacances... Je vais certainement être obligé de les racheter !