Dktrem : "Je suis pour le métissage de la musique"

Publié le 26 août 2008 par Titus @TitusFR
La musique ne connaît pas de frontières. Un adage que le compositeur corse Dktrem semble avoir fait sien. Ancien guitariste de la formation world Giramondu, ce musicien inclassable a publié, en juin 2007, un premier album éponyme au carrefour de la pop, de la world et de l'électro. A l'instar du pionnier du genre, l'Américain Moby, Dktrem assume cette démarche qui l'amène à toujours vouloir repousser les limites de la création musicale. Sans toutefois faire table rase du passé, et notamment des musiques traditionnelles, corse y compris.

Titus - Une question tout d'abord sur ton nom d'artiste : a-t-il une signification particulière et comment doit-on le prononcer ?

Joker !!! Ça commence bien... Je peux quand même te dire comment cela se prononce : tout simplement «décatrème».

Titus - J'aimerais que l'on revienne un moment sur ton parcours. Tu résides aujourd'hui à Saint-Florent, en Corse, S'agit-il de la ville où tu as vu le jour ?

Je suis né à Bastia, qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de Saint-Florent. Ce village que j’adore est en quelque sorte mon village d’adoption. C’est une station balnéaire, donc relativement calme l’hiver et bouillonnante l’été. J’y ai fait mes premiers concerts et animé pas mal de soirées piano bar.

Titus - Comment es-tu venu à la musique ? As-tu grandi au sein d'une famille de musiciens ? J'ai lu que tu avais commencé la guitare à l'âge de dix ans...

Je suis venu à la musique de manière très naturelle, avec mes deux grands-mères pianistes, un oncle batteur et un autre chanteur guitariste, cela facilite les choses. Disons que j’ai eu la chance d’avoir très tôt pas mal d’instruments à ma disposition. J’ai touché à tout. J’ai pris des cours de guitare au début, car je voulais avoir de bonnes bases et le moins de défauts possible, mais l’essentiel de mon apprentissage s’est fait de manière autodidacte.


Titus - L'aventure musicale a commencé très tôt pour toi puisque tu créais ton propre groupe rock à l'âge de quinze ans. Quel regard portes-tu aujourd'hui sur ces années ?

A 15 ans, tu ne doutes de rien. C’est génial. Après, les choses se compliquent un peu.

Titus - Tu as été le guitariste du groupe world Giramondu (publié par la major WEA) pendant deux ans, groupe avec lequel vous avez notamment fait le Bataclan à Paris. Les musiques du monde ont-elles toujours fait partie de ton univers ?

Non, pas du tout. J’y suis venu assez tard. J’étais au début branché assez rock, voir même hard rock, et puis je me suis mis à étudier la guitare brésilienne et à écouter des artistes de différents horizons musicaux. J’ai commencé à réaliser qu’il ’y avait des choses intéressantes dans à peu près tous les styles de musique, et qu’il était dommage de s’enfermer dans un seul. D’où la diversité de mon album, tout en sachant que s’il est distribué à grande échelle, il ne sera pas évident pour les disquaires de lui trouver une catégorie pour le ranger dans les bacs… Mais j’assume...
Titus - Peux-tu nous présenter ton morceau "Straight on" dont le clip est visible sur YouTube ? Quelle histoire derrière ce titre extrait de ton premier album éponyme ?

Ce titre a tout simplement été le point de départ de l’album… Une histoire lourde de conséquences donc... Le titre est parti d’un groove de basse et il m’a amené là où il a voulu… C’était aussi la première fois que je ne chantais pas sur l’un de mes titres. Le concept m’a plu et les autres titres ont suivi.
Titus - Quels musiciens ont compté dans ton éducation musicale ?

Je ne pense pas avoir véritablement eu de maître à penser. J’ai plus été fasciné par la capacité de certains artistes ou groupes à créer un véritable univers autour de leur musique. Je pense à Led Zeppelin, Pink Floyd, ou plus récemment, Massive Attack, Björk ou encore Alanis Morissette… Bien d’autres encore mais la liste serait trop longue.

Titus - On te connaît comme musicien de studio tant en Corse que dans la capitale. Tu as composé la musique de nombreux téléfilms et séries télévisées, mais aussi des jingles pour France 3 Corse. Cela fait toujours partie de tes activités aujourd'hui ?

Petite rectification, pour les séries télévisées dont tu parles, j’ai fait les séances en tant que guitariste. Le compositeur étant Chrisrophe Lapinta. Pour le reste, je voudrais me consacrer, dans un futur proche, à un nouveau projet qui me tient à cœur, et dont je ne veux parler pour l’instant. Sans compter qu’il me faut consacrer pas mal de temps et d’énergie pour essayer de faire vivre cet album, qui reste quand même ma priorité.

Titus - Au tout début de ta carrière, tu avais fait une tournée avec une troupe de café-théâtre. Cette passion pour les arts de la scène se poursuit, semble-t-il, puisque tu continues à composer pour la compagnie de théâtre Miranda.

Il est vrai que c’est une activité que j’affectionne et c’est une expérience que je renouvellerai sans aucun doute. On repousse toujours un peu plus ses limites et on se surprend à réaliser des choses qu’on ne soupçonnait pas. Les exigences des metteurs en scène sont parfois un peu déroutantes et particulières, ce qui nous amène à faire des recherches et à dépasser certaines frontières. Chaque nouvelle expérience a été pour moi un enrichissement supplémentaire.

Titus - En quoi consiste, par ailleurs, ton travail de sound designer pour les spectacles de M. Murcia. Peux-tu nous dire deux mots sur cette autre corde à ton arc ?

Encore tout autre chose… Il s’agit de réaliser toutes sortes de bruitages qui peuvent accompagner le déroulement d’une pièce de théâtre. D’une ambiance de village à un bombardement, etc. Très passionnant également.

Titus - Ton premier album éponyme a été publié en juin 2007. Le travail sur ce disque a débuté en 2005. Etait-ce un projet qui te tenait à cœur depuis longtemps ?

Oui, mais j’attendais, je pense, inconsciemment, d’avoir la maturité nécessaire afin de pouvoir maîtriser tous les maillons de la chaîne. Cet album, de par sa diversité, a été un véritable casse-tête car je voulais qu’il ait malgré tout un fil conducteur. Je ne sais pas si j’ai réussi… J’ai essayé, en tous cas. Près de vingt-cinq titres ont été réalisés, pour au final, n’en garder que treize. J’ai dû avec regrets, mettre de côté des chansons que j’aimais, mais qui ne collaient pas avec le reste de l’album.

Titus - Es-tu satisfait jusqu'ici de l'accueil qui lui a été réservé ?

Oui, je dois dire que MySpace est un formidable outil pour y faire découvrir sa musique. Ma page a dépassé les 300.000 visites et les messages que je reçois sont très encourageants. Beaucoup soulignent le caractère nouveau de ce qu’ils entendent, l’aspect « envoutant », ou encore l’invitation au voyage. Je suis toujours très étonné de voir la manière dont les gens peuvent percevoir ma musique. On s’investit corps et âme dans un album, mais ensuite, il nous échappe. Chaque personne peut se faire sa propre histoire en l’écoutant. Je trouve d’ailleurs quelquefois dommage de mettre des images sur certaines chansons car cela supprime définitivement l’imaginaire de l’auditeur. Mais il faut bien vivre avec son temps et les clips font entièrement partie de notre quotidien.

Titus - Les compos se situent au carrefour de la pop, de la world, de l'ambient et de l'électro... La pochette, dessinée par l'infographiste Eric Andréani, fait résolument dans le futurisme... Cela correspond à l'image que tu cherches à projeter, celle d'un musicien tourné vers l'avenir ?

C’est vrai, mais ce n’était pas voulu dès le départ. Nous avons essayé pas mal de choses différentes avec Eric, et c’est celle-là qui a été retenue. Je lui avais juste suggéré cette idée de passerelle débouchant sur une sorte d’inconnu. Son talent et son imagination ont fait le reste. Mais je me sens bien dans mon époque, l’avenir m’effraie même quelque peu.

Titus - Sur certains morceaux, on croit aussi déceler une petite empreinte de la Corse et de ses célèbres polyphonies, non ? Je pense notamment au superbe morceau "L'impiccatti"... Une façon d'affirmer que les nouvelles musiques doivent aussi savoir s'appuyer sur la tradition ?

Bien sûr que oui, même si je ne suis en rien nostalgique de ce qui a pu se faire de par le passé. Je suis pour le métissage de la musique, et amener ces fabuleux chants d’A Filetta dans mon univers, a été pour moi une superbe expérience. Très délicate d’un point de vue technique, mais je suis très heureux du résultat.

Titus - Tes compositions sont rarement de purs instrumentaux. La voix y tient toujours une part capitale. Quelle importance accordes-tu aux textes, par rapport à la musique ?

Aucune !!!! Non, plus sérieusement, je dois avouer que je suis beaucoup plus sensible à la musicalité que peut apporter une voix, qu’à ce qu’elle raconte. Même quand j’écoute Jacques Brel chanter "Amsterdam", je suis tellement subjugué par l’émotion et l’intensité qui s’en dégage, que j’en oublie d’écouter le texte. C’est le plus bel instrument qui soit et j’aime m’en servir comme tel, au même titre que les autres. C'est-à-dire, ne pas considérer la voix comme instrument principal avec l’arrangement derrière, mais essayer de l’intégrer au reste.

Titus - Dans quelles langues chantes-tu ? Invites-tu d'autres chanteurs parfois ? Je songe à "In my soul", où l'on entend une multitude de voix, y compris ces choeurs magnifiques qui rappellent le gospel ou les incantations chamaniques.

Je chante de préférence en anglais, mais deux titres sur l’album sont en français. Ensuite, j’ai utilisé pas mal de samples, notamment sur la chanson que tu évoques et sur d’autres aussi. Je pense que c’est Moby qui a commencé à travailler de cette manière… Ca élargit les possibilités qui n’étaient alors réservées qu’aux grosses productions qui peuvent se permettre des guest stars. Ce qui n’est pas mon cas…

Titus - Peux-tu nous dire deux mots de l'équipe qui t'a entouré pour l'enregistrement de cet album ? Où a-t-il été enregistré, dans quelles conditions ? En combien de temps ?

La liste va être courte… J’ai en fait entièrement tout réalisé, seul dans mon home studio. Seul un ami batteur, Antoine Cermolacce, venait me rendre visite et a participé à quelques séances de travail. Je suis à l’écoute de son avis car il ressent la musique comme peu de gens peuvent la ressentir. Et c’est presque indispensable d’avoir une oreille extérieure, surtout quand on la sait bienveillante et compétente. J’ai juste confié le mastering à Pierre de Champs, du studio Circé, à Paris, qui a d’ailleurs fait un travail remarquable. Et le temps… Quand on aime, on ne compte pas ; deux ans environ. Mais je ne compte pas la mise en place des idées qui a commencé… il y a pas mal de temps.

Titus - Deux clips sont aujourd'hui visibles sur ton site MySpace, "Straight on" et "The rain's coming down". Comment ont-ils été réalisés ?

Au fur et à mesure que j’avançais dans l’arrangement du titre « The rain’s coming down », je voyais les images du clip, au point qu’ils en devenaient indissociables. Et c’était précisément ces images d’archives de guerre en noir et blanc. J’ai visionné des heures d’images et j’ai fait le montage avec un logiciel dédié. J’ai ensuite naturellement enchaîné sur « Straight on » avec les images des premiers pas sur la lune de la NASA. J’ai trouvé que ça correspondait bien avec le climat de la chanson.

Titus - Peux-tu justement nous présenter "The rain's coming down" en quelques mots ?

C’est le dernier réalisé. Il n’est donc pas sur l’album. Une sorte d’inédit. Ce n’est pas toujours le cas, mais là, le texte est important. Il me semble nécessaire pour un artiste de s’imprégner de l’actualité, même de manière ponctuelle. Et quand on regarde autour de nous, les actes des dirigeants des grandes puissances, je me dis que l’être humain a la mémoire bien courte.

Titus - Maintenant que l'album est sorti, quels sont tes projets ? Présentes-tu tes compos en spectacle, où te cantonnes-tu à l'approche studio ?

Je n’ai pas de projets de tournées dans l’immédiat car porter cet album sur scène nécessiterait des moyens relativement colossaux… Wait and see.
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