L'histoire: Le magnat de l'automobile Gifford ( Clifton Webb) fait venir trois de ses meilleurs exécutifs à New York pour les évaluer et trouver le remplaçant du directeur général de sa société, décédé subitement. Les candidats viennent avec leurs épouses. Jerry et Carol, lui déterminé et autonome, elle prête à utiliser sa beauté pour faire avancer la carrière de son mari ( Van Heflin et Arlene Dahl) ; Sid et Elizabeth, lui rongé par les ulcères et déchiré entre la réussite et le rétablissement de leur mariage perturbé, elle convaincue que son travail le tuera, mais acceptant de jouer la bonne épouse pour la durée ( Fred MacMurray, Lauren Bacall) ; et le texan terre-à-terre Bill, dont la gentille Katie craint que sa promotion ne sonne le glas de leur vie de famille idyllique ( June Allyson et Cornel Wilde).
Tourné en grande partie dans des lieux emblématiques de New-York (siège des Nations-Unies, les chics Stork Club et Club 21, l'hôtel Plaza...) avec un budget important pour un sujet contemporain (3.3 M$, l'équivalent de 40M$ d'aujourd'hui), Woman's World ( Les femmes mènent le monde en VF) colle parfaitement à la devise voulant que derrière chaque grand homme se trouve une grande femme.
Je m'attendais à une chronique mordante sur le milieu des affaires, à l'instar du Executive Suite de Robert Wise sorti la même année, j'ai plutôt eu droit à une comédie de moeurs luxueuse, mettant de l'avant une généreuse palette de CinemaScope et Technicolor, de costumes impeccables pour ces messieurs, de robes de haute couture et bijoux clinquants pour ces dames et un aréopage de vedettes connues internationalement. Le tout mis en scène avec élégance par Jean Negulesco, qui partageait comme son collègue Douglas Sirk une solide réputation de metteur en scène raffiné.
Basé sur la nouvelle " May the Best Wife Win " de Mona Williams parue dans McCall's Magazine, ce scénario écrit à 10 mains propose une illustration des rapports homme-femme qui ne dérangera pas l'ordre établi. Toutefois, derrière l'apparat et la légèreté, j'ai quand même été surpris de retrouver des dialogues souvent incisifs et des pointes d'ironie diablement efficaces. Les femmes ne mènent peut-être pas le monde, semble nous dire le film, mais elles contribuent grandement à la vie de ceux qui le dirige. Au final, c'est en respectant les aspirations de leurs épouses, ou, pour l'un d'entre eux, en mettant fin à une relation étouffante, que les candidats feront leur choix.
Sans aller trop loin dans l'introspection, Woman's World offre aussi un regard assez intéressant sur le piège des apparences, et remet en question la volonté de réussir à tout prix. La difficulté de concilier vie affective, travail et famille est également bien mise en valeur. Le film est porté par un rythme alerte et des performances impeccables ; aucune vedette ne faisant d'ombre à l'autre. Je souligne les cadrages et les images du directeur photo Joe Macdonald, dont on ne rappellera jamais assez l'importance dans l'esthétique de l'apogée de la défunte 20th Century Fox.
À noter que les véhicules et les maquettes ont été mis à disposition par la division Lincoln-Mercury de la Ford Motor Company, incluant la " Ford de demain " (le modèle utilisé étant le prototype futuriste X-100 de 1953). Il y a également quelques plans des chaînes de production et des bureaux de design de la célèbre marque de Detroit.