Il y a tout juste 50 ans, je commençais à travailler pour les fixations Look, la plus belle percée professionnelle de toute ma vie ! Je m’étais rendu à mon entretien d’embauche au vieux siège de l’entreprise et j’avais découvert une usine toute neuve en commençant le travail, avec de beaux bureaux et située dans un cadre agréable.
J’étais à juste titre enthousiaste et j’ai immédiatement rencontré mes futurs collègues, un groupe de jeunes « cadres dynamiques » dans le département export. L’organisation des ventes nationales qui avait des goûts plus raffinés et davantage d’indépendance était basée dans la belle Annecy, pas loin du lac, tout comme Salomon, notre concurrent féroce qui émergeait doucement mais sûrement !
Lorsque je suis arrivé à mon poste, je n’y ai trouvé aucun dossier ou aucune information concernant mon travail de directeur des services de course. Pas de liste de coureurs par pays, comme on aurait pu l’imaginer, pas de budget non plus, pas de base de données de coureurs et de représentants techniques, pas de correspondance avec les différentes fédérations de ski. Absolument rien !
Je suppose que mes patrons s’attendaient à ce que la nouvelle recrue soit un type entreprenant et imaginatif, ce qui devait être le cas étant donné les circonstances. Ceux-ci, en congédiant ou en se séparant en mauvais termes de mon prédécesseur, n’avaient même pas pensé à extraire et à récupérer ces informations cruciales sous quelque forme que ce soit, même si le programme entier leur coûtait en euros d’aujourd’hui l’équivalent de plus de six millions !
Une façon originale de gérer une entreprise … Bien sûr, René Plancherel, le gars en charge, vivait en Suisse, ce qui était pratique pour payer certains skieurs sous la table grâce à des comptes bancaires secrets en Suisse ou au Liechtenstein, et devait garder toutes ces activités illégales à l’abri des regards indiscrets ! Mon patron m’avait du reste bien averti de ne pas contacter, ni de parler à ce Plancherel, pour quelque raison que ce soit.
Pourtant, j’avais décroché le poste et je n’avais pas d’autre choix que de démissionner ce premier jour, ou de m’accrocher. J’ai choisi la deuxième option et j’ai réussi à survivre dans cette entreprise agonisante pendant huit ans avant qu’elle ne finisse par s’éteindre.