J’avoue que c’est le nom d’Olivier Bourdeaut qui m’a fait ouvrir le roman parce que, franchement, le sujet que je devinais affleurer sous le titre Développement personnel me gavait un peu, si vous me permettez l’expression.
Cette lecture estivale m’a réjouie et je vous la conseille pour aborder la rentré avec le sourire.
J’ai vite compris qu’il s’agissait d’une autobiographie, ce qui, pour un auteur encore jeune et n’ayant publié « que » trois livres était en soi un paradoxe. L’homme ayant fait une entrée fracassante sur la scène littéraire avec un premier ouvrage En attendant Bojangles, couronné d’un immense succès (également au théâtre et au cinéma), il était impensable qu’il puisse rencontrer des difficultés d’écriture.J’avais été emballée par Florida, qui, tout bien considéré, contenait les germes de son quatrième livre même si ce personnage est une sorte d’anti Olivier … ce qui rend l’ensemble assez drôle.L’auteur s’avoue mythomane et mégalomane mais je le trouve tellement humble et si résilient que je lui accorde toute ma sympathie. Je n’imaginais pas qu’il était dyslexique. Le chapitre consacré à son expérience dans la restauration m’a fait comprendre le calvaire du dyslexique, qui plus est mal-entendant. Jusque là je voulais bien croire qu’il avait été diagnostiqué « dys » mais ça me paraissait être une erreur d’appréciation vu qu’il s’est passionné pour la lecture dès l’enfance et que les souvenirs qu’il raconte témoignent d’un calme inhabituel avec ce type de handicap, d’autant qu’il en cumulait un autre avec une forme de surdité.Il faut croire que les professionnels de l’éducation ont raison de penser que posséder les mots guérit de tous les maux. Et que c’est la légèreté d’un bagage lexical qui est la première cause de la violence, ce qu’Olivier Bourdeaut souligne d’ailleurs quand il aborde le sujet des classiques revus et corrigés, apurés des mots compliqués.La réalité était peut-être qu’il était inadapté aux méthodes scolaires si formatives (ou l’inverse ?). Beaucoup se seraient définitivement découragés en recevant une note médiocre pour une rédaction qui semblait réussie, mais comme il en convient, si ça se trouve il l’avait méritée (p. 52). Le secret de sa réussite (tardive mais nette) est sans doute à relier à sa résistance qui contrebalançait son absence de confiance en lui.L’ennui a forgé sa patience. Et lorsqu’il a été confronté, non pas à la page blanche mais à la page médiocre (p. 22) suite à un déficit d’imagination, il a su contrer ce tarissement avec le même remède, une sorte d’acharnement tranquille. A raison de 720 mots par jour représentant 3 pages, il ne lui fallut que deux mois pour résoudre le problème puisque l’ouvrage compte 168 pages.Si je puis me permettre cet (autre) trait d’humour il était prévisible, avec la poisse qui a caractérisé sa scolarité, qu’en choisissant un éditeur qui s’appelait Finitude ce genre d’incident se produirait un jour.Apprenant d’une très sérieuse étude menée à Harvard que parle de soi fait du bien il se lance dans l’exercice comme un plongeur dans une piscine. Voilà pourquoi il choisit, par dérision, de se représenter sur la couverture par un cyprin doré (Carassius auratus), dont la forme domestique est appelée poisson rouge, dont il est amusant d’apprendre que sa croissance est limitée quand il tourne en rond dans un petit bocal alors qu’il atteindra une trentaine de centimètres s’il nage dans un bassin. Cet animal est la métaphore imagée de la personnalité d’Olivier qui a besoin d’espace pour se développer.Chaque épisode est annoncé par un titre emprunté aux conseils que l’on trouve inévitablement dans l’univers du développement personnel, et qu’on est toujours infichu d’appliquer.Je me suis régalée à lire ses confessions intimes. Le mytho qu’il a élaboré pour se la péter en faisant croire à sa rencontre avec l’acteur Jean Reno (p. 65) est un morceau d’anthologie. Il est vrai que parfois les mensonges passent mieux que les vérités et pour ma part j’ai retenu depuis longtemps la leçon de Talleyrand : tant qu’à mentir autant ne pas le faire à moitié. Il m’a fait rire avec l’anecdote de la recherche du meilleur endroit pour poser la table sur laquelle il sera le plus à l’aise (et le mieux inspiré) pour écrire (p. 41). Mais n’allez pas conclure que je me moque : il m’est arrivé de faire de même dans une sorte d’élan de procrastination. Nous ne sommes pas les seuls. Marguerite Duras avait acheté sa maison de Neauphle-le-Chateau parce qu’elle avait pressenti qu’elle pourrait y écrire en disposant son bureau devant une fenêtre donnant sur un grand arbre.Olivier révèle un des meilleurs conseils que son père lui ait donné, celui de se constituer un carnet de vocabulaire (qui était assez à la mode au temps de ma jeunesse mais que je ne pense plus être d’actualité dans les collèges). J’ai donc guetté au fil des pages un mot qui me serait inconnu comme on espère un envol de héron au cours d’une balade en bordure de la Bièvre. Ma patience a été récompensée quand a surgi sardanapalesque (p. 149) qui signifie (j’ai ouvert un dictionnaire) : excessivement luxueux, démesuré et tapageur. Tout le contraire de l’auteur … mais utile à connaître.Développement personnel d’Olivier Bourdeaut , Finitude, en librairie depuis le 1er mars 2024Finaliste du Prix Alexandre Vialatte