Pendant la nuit du 24 au 25 mars 2015, Félix de Récondo a cheminé vers la mort. Trois ans plus tard, sa fille Léonor raconte cette nuit infinie, souhaitant témoigner en un vibrant manifeste de la liberté et de la force de création que ce père artiste garda inlassablement intactes.
Les récits alternent : d'un côté celui de Leonor, au chevet de son père mourant, envahie par les souvenirs et les émotions, de l'autre, une conversation fictive entre Félix et Ernesto Hemingway, rencontré par le passé. Félix se remémore ceux qu'ils ont connus, sa petite enfance à Gernika, les mystérieuses activités politiques de ses oncles dans la maison d'exil des Landes. Ernesto, à son tour, lui raconte l'écriture, la femme aimée, Martha et les autres, son rapport à la mort. Félix montre aussi à Ernesto le violon que, de ses mains, il fabriqua pour Léonor, élève précoce guidée par son père.
Le récit vibre de sensibilité, parcouru par ces souvenirs qui font toute une vie et qui, à l'aube de la mort, nous font dire "ça valait la peine", comme ce trajet Paris-Hendaye d'une traite, tendu vers le moment où la mer l'accueillerait, ou encore comme ces rencontres qui permettent d'oublier un moment "nos guerres intérieures". "Pour mourir libre il faut vivre libre" résume l'autrice, comme un appel à vivre sans regrets, pleinement en ressentant chaque seconde au plus profond de notre être.
La mort est aussi convoquée à travers le souvenir des enfants décédés tragiquement avant l'heure, mais elle est transcendée par l'art, par l'intensité d'un morceau de violon, par la beauté d'une peinture ou par ces pages écrites sur le fil.
J'ai moins aimé les chapitres liés au présent de Leonor attendant dans la chambre d'hôpital que son père décide de partir. Le réel est dur, âpre, l'écriture se faisant volontairement très réaliste, prosaïque, et même si l'imagination s'évade dans les autres chapitres, ces pages intimes m'ont dérangée.
Un beau manifeste sur la force de l'instant transmué par l'art.
Présentation de l'éditeur : Sabine Wespieser Editeur