Les Quatre Degrés de la violente charité, de Richard de Saint-Victor

Publié le 18 août 2024 par Francisrichard @francisrichard

Écrits spirituels du Moyen-Âge contient des textes du XIe au XVe siècle. Celui qui est l'objet de ce billet remonte au XIIe siècle. Il est intéressant parce qu'il montre que l'amour connaît quatre degrés.

Ces quatre degrés distingués par le chanoine victorin sont communs aux affections humaines et divines.

Quels sont-ils?

  • Le premier degré est celui qui blesse.
  • Le deuxième celui qui lie.
  • Le troisième celui qui fait languir.
  • Le quatrième celui qui fait défaillir.

Mais ces quatre degrés amoureux comportent des différences entre eux selon que les sentiments concernent Dieu ou les affections humaines. Ils sont tout à fait différents selon que les désirs [sont] spirituels ou bien charnels.

En effet les degrés dans le cas des affections humaines et dans celui des affections divines sont en progression inverse.

Dans les affections humaines:

  • Dans le premier degré amoureux, celui du mariage, l'affection mutuelle d'un amour intime resserre des liens pacifiques entre ceux qui se sont engagés.
  • Dans le second degré, l'esprit est enserré de manière indissoluble, sans qu'il puisse se soucier d'autre chose: il ne prend plus ni soin de ses devoirs, ni attention à ses affaires.
  • Dans le troisième degré, exclusif de tout autre sentiment, l'esprit ne peut jouir, selon son désir, de l'objet de ses désirs, et il ne peut recevoir de consolation d'aucune autre chose.
  • Dans le quatrième degré, l'âme est rendue mauvaise et malheureuse: quoi de plus malheureux que de toujours se fatiguer à désirer ce dont la jouissance ne pourra jamais rassasier?

Au contraire, dans les affections divines:

  • Au premier degré, on aime Dieu avec son coeur, avec son âme et avec son esprit, cependant pas avec la totalité de ses facultés.
  • Au deuxième, on aime Dieu de tout son coeur.
  • Au troisième, de toute son âme.
  • Au quatrième, de toutes ses forces.

Ce docteur de la charité en tire la conséquence à partir de l'exégèse des Écritures:

  • Au premier degré, Dieu entre en l'esprit et l'esprit revient sur lui-même.
  • Au deuxième degré, il monte au-dessus de lui-même et s'élève jusqu'à Dieu.
  • Au troisième degré, l'esprit élevé jusqu'à Dieu passe en lui tout entier.
  • Au quatrième degré, il sort à cause de Dieu et descend sous lui-même.

Il conclut son texte ainsi:

Au premier [degré], [l'esprit] monte jusqu'à lui-même; au deuxième, il se transcende lui-même; au troisième, il est configuré à la clarté divine; au quatrième il est configuré à l'humilité du Christ. Au premier, il est ramené à lui; au deuxième, il est transporté; au troisième, il est transfiguré; au quatrième, il est ressuscité.

Parmi ceux qui ont reçu et fait leur profit direct de l'enseignement ricardien sur la charité, il y a Dante...

Francis Richard

Les Quatre Degrés de la charité, Richard de Saint-Victor, 26 pages, La Pléiade