L'impossible retour, d'Amélie Nothomb

Publié le 23 août 2024 par Francisrichard @francisrichard

Ce livre est, paraît-il un roman, mais la narratrice ressemble comme une soeur à son auteure. Elle porte les mêmes nom et prénom. Elle a à peu près le même âge. Comme elle, elle est allée plusieurs fois au Japon.

En 1972, la narratrice a quitté le Japon une première fois à cinq ans; le japonais était sa langue fantôme. Elle y est revenue en 1989 pour y travailler et a dû le réapprendre, mais ce fut un fiasco: retour en Belgique.

À vingt-cinq ans, elle s'installe à Paris, sans penser que ce serait pour un long bail. Au moment où commence le récit, elle en a, depuis vingt-cinq années, fait son port d'attache, d'où elle a entrepris quelques voyages.

La dernière fois qu'elle est allée au Japon, c'était en 2012, pour le tournage du documentaire Amélie Nothomb entre deux eaux. Depuis ce séjour de dix jours, onze années se sont écoulées et non des moindres:

Il y avait eu la pandémie, la guerre en Ukraine avait éclaté. Mon père était mort.

Début 2021, son amie Pep Beni remporte le prix Nicéphore Niépce, pour un recueil de photographies qui raconte la guerre du Pacifique côté Japon: c'est un aller-retour long-courrier pour deux personnes.

Pep choisit le Japon comme destination et Amélie comme compagne de voyage: elle sera son guide et elle ne pourra pas se débiner puisque, aussi bien dans sa vie que dans ses romans, elle fait l'éloge de l'ombre.

Ce voyage a lieu du 20 au 31 mai 2023. Amélie Nothomb le raconte avec beaucoup d'auto-dérision et n'échappe pas à la nostalgie, qui est sa pathologie invétérée et qui était une vertu cardinale de son père.

En retournant ensemble au Japon, en 1989, ils savaient tous deux que leurs coeurs en seraient déchirés, mais cela ne les avait pas dissuadés d'opérer ce retour à l'archipel idéal, à la terre où [l'] existence a un sens:

Nous avions lui et moi inventé la nostalgie préventive: idée romantiquement funeste, vaccin inspirant, se contentant d'agrandir dans l'âme la région dévolue à la nostalgie rétrospective.

Dans ses bagages, elle a emporté À rebours de Huysmans. Elle ne sait pas pourquoi, mais Tokyo lui a paru le lieu idéal pour sa relecture, qui lui procure l'ivresse que donne un roman que l'on croirait écrit pour soi:

Les seuls moments où je ne doute pas de mon existence sont ceux où je lis. La littérature me paraît l'unique domaine où j'ai pied.

Quand vient le moment de retourner, elle est sujette à nouveau à la nostalgie. Les techniques, telles que la solitude, la réflexion, le silence, ne sont d'aucun effet sur elle et elle ne trouve son salut que dans le travail:

Je suis partie, je suis revenue. La belle affaire! Oui, mais je n'ai fait que cela toute ma vie. Même le lieu où j'habite n'est pas celui que j'ai choisi. Le seul endroit que j'aurais élu, je l'ai quitté. Je viens encore de l'abandonner. Quid de cette aberration? Je n'y comprends rien, alors je l'écris.

Francis Richard

L'impossible retour, Amélie Nothomb, 162 pages, Albin Michel

Livres précédents chez le même éditeur:

Le voyage d'hiver (2009)

Une forme de vie (2010)

Tuer le père (2011)

Barbe bleue (2012)

La nostalgie heureuse (2013)

Pétronille (2014)

Le crime du comte Neville (2015)

Riquet à la houppe (2016)

Frappe-toi le coeur (2017)

Les prénoms épicènes (2018)

Soif (2019)

Les aérostats (2020)

Premier sang (2021)

Le livre des soeurs (2022)

Psychopompe (2023)