Critique Ciné : Kinds of Kindness (2024)

Publié le 28 août 2024 par Delromainzika @cabreakingnews

Kinds of Kindness // De Yorgos Lanthimos. Avec Emma Stone, Jesse Plemons et Willem Dafoe.

Avec Kinds of Kindness, Yorgos Lanthimos, le réalisateur qui a captivé le public avec des œuvres telles que La Favorite et Pauvres Créatures, nous livre une expérience cinématographique bien différente. Malgré un casting prestigieux et des attentes élevées, ce film se révèle décevant sur plusieurs aspects, laissant entrevoir les limites de l'expérimentation cinématographique lorsqu'elle n'est pas entièrement maîtrisée. L'une des premières choses qui frappe dans Kinds of Kindness est le casting. Lanthimos fait appel à des acteurs de son précédent film, dont Emma Stone, Willem Dafoe, Jesse Plemons, et Margaret Qualley, qu'il avait déjà dirigés avec succès dans ses œuvres précédentes. Le réalisateur semble vouloir exploiter au maximum le talent de ses acteurs en leur confiant plusieurs rôles dans les trois segments du film. Chaque acteur endosse des personnages différents, montrant ainsi leur polyvalence et leur capacité à naviguer entre divers registres.

KINDS OF KINDNESS est une fable en tryptique qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu'elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d'un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux.

Cependant, malgré cette démonstration de talent, le film ne parvient pas à utiliser ce casting de manière optimale, ce qui laisse une impression d'inachevé. Jesse Plemons, en particulier, brille dans son rôle, ce qui lui a valu le Prix d'Interprétation Masculine à Cannes. Pourtant, même sa performance ne suffit pas à sauver le film d'une structure narrative qui s'effondre sous son propre poids. Le choix de Lanthimos de diviser Kinds of Kindness en trois segments distincts était sans doute ambitieux, mais c'est ici que le film montre ses faiblesses. Chaque segment aborde des thèmes lourds et complexes, tels que l'emprise psychologique, la violence conjugale et le fanatisme sectaire. Bien que ces sujets soient pertinents et potentiellement captivants, leur traitement manque de cohésion et de profondeur. Le premier segment, axé sur la dépendance affective, réussit à captiver l'attention grâce à une tension palpable et une mise en scène parfois cruelle. Cependant, il est alourdi par des excès stylistiques qui semblent superflus et détournent l'attention du propos central.

Le deuxième segment, une allégorie des violences conjugales, est malheureusement étiré au-delà du raisonnable, ce qui en dilue l'impact. Les tentatives de provoquer et de choquer le public manquent de subtilité et se heurtent à une exécution maladroite. Le troisième segment, qui explore le fanatisme religieux, est probablement le plus faible des trois. Il souffre d'un manque de rythme flagrant et d'une durée excessive qui épuise la patience du spectateur. Le film semble s'éterniser sans véritable but, rendant difficile l'implication émotionnelle. Yorgos Lanthimos est connu pour son style visuel distinctif et son talent pour créer des atmosphères oppressantes et dérangeantes. Dans Kinds of Kindness, il parvient encore à capturer l'angoisse et la désorientation de ses personnages, notamment par des choix de cadrage et de lumière qui enferment littéralement les personnages dans leur propre psyché. Cependant, ces qualités visuelles ne parviennent pas à compenser les faiblesses scénaristiques.

L'humour noir, une marque de fabrique de Lanthimos, fait quelques apparitions bienvenues, mais il est insuffisant pour alléger le poids d'un film qui semble s'enliser dans ses propres ambitions. L'approche de Lanthimos, qui consistait autrefois à repousser les limites et à défier les conventions, semble ici se transformer en une quête de provocation qui manque de fond et de substance. L'une des caractéristiques récurrentes dans l'œuvre de Lanthimos est son regard acerbe et souvent misanthrope sur la nature humaine. Dans Kinds of Kindness, cette misanthropie est omniprésente, chaque segment du film plongeant dans les aspects les plus sombres et déplaisants de l'humanité. Si ce regard sans concession peut être fascinant dans certaines œuvres, ici, il semble gratuit et forcé, comme si le réalisateur cherchait à choquer pour le plaisir de choquer, sans véritable message derrière. Le segment central, qui traite de la dynamique de pouvoir au sein d'un couple, est probablement le plus abouti des trois. Pourtant, même ce morceau du film ne parvient pas à justifier la longueur excessive du projet dans son ensemble.

Ce segment montre clairement la volonté de Lanthimos de bousculer les spectateurs, mais il le fait d'une manière qui semble plus calculée que sincère. Kinds of Kindness s'inscrit malheureusement dans la lignée des films qui, malgré des ambitions évidentes, échouent à atteindre leur plein potentiel. Après des succès retentissants comme La Favorite et Pauvres Créatures, il était peut-être inévitable que Lanthimos connaisse un faux pas. Cela arrive aux plus grands cinéastes, et bien que décevant, ce film pourrait simplement être une parenthèse dans une carrière autrement brillante. Les réalisateurs venant du cinéma indépendant, souvent acclamés pour leur audace, traversent parfois des phases où cette même audace les conduit à des projets moins aboutis. Lanthimos semble ici avoir été emporté par un excès de confiance en son propre style, ce qui a donné lieu à un film plus prétentieux que pertinent.

En conclusion, Kinds of Kindness est un film qui divise, tant par sa structure que par son contenu. Malgré un casting de rêve et une réalisation techniquement irréprochable, le film ne parvient pas à captiver sur la longueur et laisse une impression de vacuité. Pour les admirateurs de Yorgos Lanthimos, ce film représente une déception notable, une œuvre qui, malgré quelques moments forts, peine à justifier sa durée et ses choix narratifs. Il ne reste qu'à espérer que Lanthimos saura rebondir avec ses futurs projets, en retrouvant l'équilibre entre audace et profondeur qui a fait sa renommée.

Note : 3/10. En bref, grand fan de Yorgos Lanthimos que je suis est ici profondément déçu. Un échec cuisant qui fait mal.

Sorti le 26 juin 2024 au cinéma