Je n’avais pas retenu l’album de Loussine lorsque je l’ai écouté pour la première fois il y a quelques semaines. Sachant que c’était un premier album (bien que l’artiste ait dépassé les 70 balais sans carte senior comme il le proclame lui-même) je n’allais pas conclure par un verdict sans appel. Ce n’est pas le genre de la maison.
Et puis j’appréciais l’homme en tant qu’acteur, l’ayant applaudi dans Deux euros 20, une comédie écrite par Marc Fayet, que j’avais vue à Théâtre Actuel au festival d’Avignon dans la mise en scène de José Paul en Juillet 2019.
J’ai la chance d’avoir encore un lecteur de CD dans ma voiture, ce qui autorise une écoute différente, plus intime que celle qu’on fait en branchant le câble d’un smartphone. Glisser le disque dans le lecteur est un geste qui conditionne une plus grande attention.
Quand j'ai redécouvert Loussine in the sky with … je n’ai pas compris pourquoi je l’avais écarté. Peut-être m’était-il parvenu en compagnie de musiques qui m’étaient plus familières ou qui correspondaient davantage à mon humeur du moment.
Sans doute étais-je passé à côté du jeu de mots du titre de l'album avec le si fameux Lucy in the sky with diamonds qu'avaient créé les Beatles en 1967.Ecouter Loussine c'est vibrer de mille références. Au micro d'la dame (piste 1) m’évoque fugitivement Art Mengo, un chanteur trop rare et dont j’apprécie beaucoup la voix si particulière. Ecoutez donc Les parfums de sa vie si vous ne le connaissez pas, vous serez conquis. Il a collaboré avec Johnny Hallyday, Henri Salvador, Enrico Macias, Florent Pagny, Jane Birkin, Juliette Greco, Philippe Léotard, Liane Foly, Eddy Mitchell ou encore Maurane… et sa Victoire de la musique révélation masculine (1991) était amplement méritée.C’est à un chanteur plus célèbre, Renaud, que j’ai pensé ensuite sur C'était comme çà (piste 7) à la fois par le ton de la voix et par le choix de ce prénom, Lola.La vraie originalité de Gérard Loussine est de nous offrir un univers différent à chaque chanson et c'est très agréable. Il y a différentes formes d'humour, parfois tendre, avec Chanson en English (piste 2) parce qu'il faut bien cacher ce que j'ose pas t'dire, parfois grinçant pour accepter le pire avec Tu disais (piste 4).L'orchestration est très belle, avec l'emploi de l'harmonica sur Les gens d'ailleurs (piste 5) dans laquelle l'artiste témoigne de son intérêt pour les autres, qu'il ne faudrait pas oublier.Et pourtant c'est en premier lieu pour ses deux petites filles, Thelma (piste 8) et Frida (piste 6) qu'il a décidé de composer cet album qui leur est dédié.L'emploi de la guitare est superbe sur La douleur fait moins mal que la fin (piste 3), un texte bouleversant. Les cordes peuvent être jouées de manière à convoquer des accents rock comme sur J'voulais pas (piste 9) avant de revenir à la nostalgie sur Le temps qui passe (piste 10).La voix est chantée, mais aussi parlée sur Ça roulait pas (piste 11) et bien sûr dans la dernière Chanson pour … (piste 12) si émouvante pour nous qui n'avons pas oublié les années 70 et leur musique planante dont l'évocation s'élève crescendo.Je salue donc largement les musiciens, Loussine et Georges Bodossian à la guitare électrique. Gilles Polvé à la basse, Diabolo aux harmonicas, Christophe Dubois et Claude (Coco) Meyer à la batterie, et Georges Bodossian et Jean-Paul Résimont aux claviers. L'album doit sans doute beaucoup à la réalisation et aux arrangements de Georges Bodossian, légendaire guitariste du groupe Océan.Bravo aussi aux auteurs, Sandie Masson, Vincent Baguian, Marc Fayet et Jean-Marie Moreau dont les textes se répondent à la perfection pour donner un ensemble cohérent de textes souvent autobiographiques, entre rock, blues et chansonGérard Loussine combine plusieurs talents lui ayant permis de mener une prolixe carrière prolixe de musicien mais aussi de comédien au théâtre depuis 1972, au cinéma et à la télévision. Il a tourné une soixantaine de films avec de nombreux réalisateurs tels que Pierre Tchernia, Alain Corneau, Marc Simenon, Jacques Bral, Pierre Sabbagh, Gilles Grangier, Nina Companeez, Michel Favart, Luis Rego, Michel Lang, Eric le Hung, Roger Kahanne, Jacques Rouffio ou encore Jean-Claude Sussfeld. On peut notamment le voir dans les films Le Choix des Armes ou Pinot Simple Flic.
La musique a toujours occupé une grande part dans sa vie et cet attachement se concrétise aujourd'hui avec son premier album dont il cautionne la promotion avec un sens de la dérision proche de celui du constructeur automobile Renault disant de ses voitures, qu'on en dise du bien ou du mal, peu m'importe pourvu qu'on en parle.
Gérard espère que cet album vous plaira et il en sera très heureux, et s’il ne vous plait pas il en sera très heureux aussi, mais moins.