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Une journée dans la vie d'un grand restaurant

Par Eric Bernardin

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Il y a quelques semaines, je répondais à une annonce parue sur le site de l'Union des Sommeliers : le Saint James à Bouliac recherchait deux sommeliers. Je ne suis pas vraiment de la partie, mais je tentais tout de même le coup, ayant déjà rencontré lorsque j'étais agent commercial le sommelier-chef (et directeur de salle) Richard Bernard.

Je fus presque étonné d'avoir quelques jours plus tard un message sur mon répondeur de ce dernier qui se disait prêt à me rencontrer. Nous nous vîmes donc quelques jours plus tard et discutâmes une bonne heure. Il était ressorti de cet échange que le mieux serait que je passe une journée au sein de l'équipe afin de me rendre compte du travail exigé. Si au bout de celle-ci, je me sentais le courage et la capacité de le faire, il était prêt à me prendre.

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Rendez-vous fut donc pris le vendredi suivant, jour où je ne travaille pas au Château de Monbazillac. Dès mon arrivée à 9h30, on me fait enfiler un polo aux armes du relais & châteaux, et me voila parti avec le sommelier que je suis sensé remplacer pour ma matinée de travail. D'abord faire le tour du bar pour voir s'il est bien en ordre. Puis même chose à la terrasse. Ensuite, vérification des stocks d'eau et de champagne et remontée à l'étage de tout ce qui manque. Il reste alors un peu de temps pour un nettoyage des bouteilles stockées à la cave de jour. 10h45 : il est temps d'aller dans la salle de restaurant afin de faire la mise en place des verres. Il faut bien verifier qu'il n'y ait pas une seule trace dessus et le poser au millimètre sur la table déjà dressée.

11h30: c'est l'heure de passer à table. Nous allons nous servir en cuisine dans un grand plat qui nous est destiné. Quelque chose qui ressemble à de la brandade de morue. Bon et copieux, même si on se prend à rêver qu'il nous soit servi la même cuisine qu'aux clients ;o) En dessert, nous pouvons manger quelques viennoiseries qui restent du petit déjeuner. Franchement très bonnes.

12h00: il faut maintenant s'habiller pour aller en salle et attendre les premiers clients. Richard Bernard m'explique le fonctionnement du tableau qui est à l'entrée de celle-ci et qui permet de visualiser les tables, le nombre de personnes présentes, le menu qu'elles prennent,...  Et de suivre en se servant de la fiche de commande l'évolution du repas. Dès qu'un plat ou un vin ont été servis : on raye. Il n'y avait pas foule ce midi-là. Tout alors me paraît relativement simple, logique, et à ma portée.

14h45: les derniers clients sont partis. On peut alors enlever les derniers couverts, les nappes et autres serviettes afin de faire place nette pour le soir. Dès que c'est fait, repos pour quelques heure. Avant une soirée qui s'annonce chargée.

19h00: les employés arrivent pour se restaurer. Jambon et salade de tomates. On sent une certaine tension dans l'équipe. Cela fait songer à des sportifs qui se concentrent avant une compétition.

19h30: tout le monde doit être place. Les derniers couverts sont rajoutés. Ce soir, c'est complet. Un peu plus de 20 tables,de 1 à 7 personnes. Pour l'instant, en ce qui concerne le sommelier, l'activité se déroule plutôt au bar, où les premiers clients prennent l'apéritif. Les menus et les cartes des vins sont distribués. Les premières commandes prises.

20h00: c'est encore tranquille, mais la salle commence à se remplir. Il faudra encore une bonne heure pour que le rythme s'accélère, même si en cuisine, le coup de chauffe est déjà bien lancé. Je ne peux évidemment pas prendre la place du sommelier ce soir. Je me retrouve donc chargé d'aller chercher les eaux minérales pour les clients. Dans un premier temps, je me contente de les donner aux serveurs. Puis je prends de l'assurance et vais l'apporter directement aux tables. C'est comme cela que je donne mon premier conseil en vin à un client qui me consulte. Et ma première commande ;o)

22h00: là, on a vraiment changé de rythme. Tout le monde est à table, et le défilé des serveurs incessants. Je me rends compte du timing et de la précision du service. Il ne faut pas se rater. Il faut régulièrement aller en cuisine pour être sûr que le plat suivant est en cours, afin qu'il y ait le moins d'attente possible. Vérifier sur chaque table que le client ne manque de rien, que ce soit en pain ou dans les verres. Et ce ballet va durer plusieurs heures sans que personne ne puisse se permettre de montrer le moindre signe de fatigue.

00h00: dans la salle de restaurant, les tables sont plus clairsemées. L'activité s'est transférée au salon/bar où les clients consomment cafés, champagne ou digestif. Même si la fatigue commence à se ressentir, il faut continuer à être disponible, souriant et efficace. Il faudra attendre 1h00 du mat' pour que les derniers clients décident de quitter l'établissement (ou partent dormir dans leur chambre).

00h45: la "journée" n'est pas finie. En cuisine, il n'y a plus personne. Mais il reste à laver tous les verres utilisés dans la soirée et à les essuyer afin d'éviter les traces. Pendant ce temps-là, le personnel de salle commence déjà à préparer la journée du lendemain.

01h00 Richard Bernard vient me voir afin qu'on échange afin que l'on parle de mon sentiment sur cette journée. J'avoue que je suis encore sous le choc de la soirée, et que je ne me rendais pas vraiment compte de la masse de travail. J'ai besoin d'un peu de temps pour digérer tout ça, et d'y réfléchir. Pour l'heure, je ne sais pas trop quoi penser. Nous nous promettons de nous recontacter dans la semaine qui suit afin d'en reparler.

01h15: je dis au revoir à mes collègues d'un jour. Il leur reste encore un peu de travail. Probable qu'ils auront fini vers 1h30...

02h15: je suis arrivé à la maison. Je regarde vite fait mes e-mails sur l'ordinateur toujours allumé. Puis part me coucher.

07h45: la lumière du jour pénètre impitoyablement dans la chambre. Je ne peux plus dormir. Après avoir publié ma recette du jour sur le blog, je pars au marché. Mais je ne suis vraiment pas dans mon état normal. J'ai la sensation d'être un zombie. A peine revenu à la maison, je pars me recoucher, espérant récupérer un peu d'énergie. En vain. Le midi, je grignotte. L'après-midi, je retente de dormir, car je dois passer la soirée chez des amis. Ce coup-ci, ça marche mieux. Je réussis à dormir deux heures. Lorsque je me réveille, je suis un peu "dans le pâté", mais je me sens moins fatigué. Je prends ma deuxième douche de ma journée afin de me réveiller. A 18h45, je pars chez les Comme, quasiment en pleine forme. Lorsque je partirai de chez eux vers 23h00, j'aurai plutôt l'impression d'avoir la frite ;o)

Il m'a fallu quelques jours pour décider ce que j'allais faire. D'un côté une expérience unique :  démarrer une carrière de sommelier dans un Relais & Château, y a pire... De l'autre, une peur de ne pas être à la hauteur. Que ce soit au niveau du service - comme de porter d'une main un plateau chargé d'une bouteille de champagne et de six flûtes - ou de tenir physiquement le coup. Se coucher tous les soirs à deux heures du mat', c'est pas forcément facile, même si j''imagine que l'on doit s'y habituer...

J'étais finalement parti pour accepter, lorsqu'une autre opportunité s'est présentée, plus intéressante encore que la précédente, et surtout plus "dans mes cordes". Du coup, j'ai préféré privilégier cette piste, même si elle n'est pas encore sûre à 100%. Aussi, vous en parlerai-je en temps voulu...

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LES COMMENTAIRES (1)

Par Jamesanciendu Stjames
posté le 04 avril à 11:54
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salut Eric Bernardin, j'ai adoré ton article,et en est désolé quand même de ton expérience..J'ai bossé au St James et les émotions et tes resentis, ont été de même pour moi pendant 6 mois.Impressionant!! n'est ce pas?Si tu n'as pas parlé des cuisiniers c'est parce que tu ne les a pas côtoyer?C'est vraie que le rugbyman de patissier et le second, qui aimerait bien etre Kalife à la place du Kalife(syndrome du golum) ont un QI inférieure à une fourmille et pas très sympa avec les serveurs, je sais pas pourquoi.. mais Vincent et le reste sont super sympas. Est ce que tu remplaçait Aurélien?Enfin bref,j'y ai bossé et connu cet Artiste culinaire Michel Porthos, personnage extra ordinaire! Sérieux rigoureux pendant les 3heures de services, mais après ça tu sais tout le monde se relâche et la pression redescends.On avait même droit à une tite bière à la fin et tout le monde se quittait en se faisant la bise comme dans une grande famille,celle du St JAmes Bref il y avait un autre univers plus joviale et festif vers la fin, que tu n'en parle pas malheureusement.Surtout lorsqu'on commençait à filmer le plateaux de fromage en se servant des mini-mini tranches avec le mini pain aux différents saveurs!hmmm quel délice!!Bon en même temps ça t'aider à argumenter auprès des clients! professionnalisme et rigueur relais châteaux oblige! tout ça dans la bonne humeur entre une blague ou deux avant que le maitre d'hôtel vienne dire "on se dépêche!!"mais c'est pas pour autant qu'on se grouille car plus d'énergie, hypoglycémie! mon ami.!! avec les plateaux en argent qui pèse une tonne et la concentration pour emmener des flûtes sur les plateaux argents glissante! hé là je te raconte pas comment le plateaux de mignardise en prends pour son grade!!c'est peut être même pour ça que le pâtissier n'aime pas les serveurs!! Bref! il y avait un autre univers plus joviale et festif vers la fin, que tu n'en parle pas malheureusement, c'est ce qui me donnait la bonne dose d'adrénaline pour survivre aux aller retour de cet couloir en pente interminable!! J'ai du quitter pour un autre poste ailleur, le style de cuisine originale et le franc-parler de Michel Porthos me manque toujours autant!Mais bon Sait-on jamais ce que la vie nous réserve? Amicalement, James