"Les os noirs" d'Agnès Jésupret

Par Cassiopea

Les os noirs
Auteur : Agnès Jésupret
Éditions : Liana Levi (22 Août 2024)
ISBN : 979-1034909483
194 pages

Quatrième de couverture

Au crépuscule de sa vie, Clara Ignorante raconte avec nostalgie l'histoire de ses grands-parents siciliens arrivés en Tunisie pour fuir la misère. Sur cette terre que tous se sont appropriée - colons français, migrants italiens, occupants allemands - sa famille connaîtra la prospérité puis la déchéance. Et de cette terre seront exhumés les os de son père devenus noirs, preuve d'un empoisonnement. Vengeance, trahison ou malédiction ?

Mon avis

Marie Ignorante Concialdi s’est confiée à Agnès Jésupret et cette dernière a écrit une fiction inspirée de son histoire.

On est en 2022 et la narratrice écrit, à la demande, des « biographies » en écoutant les souvenirs de personnes âgées. C’est comme que, dans une maison de retraite, elle rencontre Clara. Fascinée par ce qu’elle entrevoit à travers quelques échanges, elle décide de recueillir tout ce que la vieille dame (95 ans) voudra bien partager avec elle.

Clara raconte. Sa famille a quitté l’Italie pour s’installer en Tunisie en espérant vivre mieux. C’est la période entre les deux guerres et les migrants sont nombreux à venir s’installer à Tunis. Si la famille réussit à faire fortune, le quotidien n’est pas forcément simple. Difficile de créer des liens entre les différentes ethnies accueillis dans ce pays. Chacun tient à ses origines.

« L’univers de la Nonna était fait d’anchois, de raisins cuits et d’olives farcies. La Tunisie de la Nonna, c’était la Sicile. »

Mais vivre ensemble n’est pas aisé, mais les tensions sont très présentes.

« Peu à peu, tout est remis en cause. Arabes, Français, Italiens, Siciliens, qui a le droit d’être ici, de vivre paisiblement sur cette terre, et qui ne l’a pas ? »

Et en Novembre 1942, c’est l’occupation allemande pour six mois. Dénonciations, chasse aux juifs… La vie se complique pour tous. À travers le récit de Clara, on verra la famille perdre sa fortune.

Très documenté, avec une construction originale, ce roman est une belle découverte. On a, en italiques, les paroles de Clara, et entre ces passages, toutes les recherches et réflexions que cela entraîne chez la narratrice sur cette période historique qui est rarement mise en avant.

Dans le récit, les événements de l’actualité sont insérés et j’ai beaucoup appris. On comprend que les tunisiens ont pu se sentir déposséder de leur pays, de leurs terres, par ceux qui arrivaient.

L’écriture de l’auteur est fluide, le style adapté selon qui s’exprime. Elle mêle habilement petite et grande histoire, sans lourdeur, sans que ce soit trop documentaire. On s’attache à Clara et sa famille, on a de la peine pour le père qui s’est fait piéger.

Le côté saga familial maintient l’intérêt du lecteur et évite toute lassitude.