Peut-être avez- vous déjà été, comme je l’ai été moi-même, longuement et fortement intrigués par ces paires de baskets accrochées aux fils électriques. Comment sont – elles arrivées là ? Qui les y a placées et pourquoi ?
Shoes tossing
" data-orig-size="400,248" data-id="27865" data-image-title="" data-orig-file="https://aica-sc.net/wp-content/uploads/2024/08/shoes-tossing.jpg" data-image-description="" class="wp-image-27865" width="400" data-medium-file="https://aica-sc.net/wp-content/uploads/2024/08/shoes-tossing.jpg?w=300" role="button" data-permalink="https://aica-sc.net/shoes-tossing/" alt="" height="248" data-image-meta="{"aperture":"0","credit":"","camera":"","caption":"","created_timestamp":"0","copyright":"","focal_length":"0","iso":"0","shutter_speed":"0","title":"","orientation":"0"}" data-large-file="https://aica-sc.net/wp-content/uploads/2024/08/shoes-tossing.jpg?w=400" tabindex="0" />Shoes tossingShoes tossing
" data-orig-size="1024,768" data-id="27864" data-image-title="" data-orig-file="https://aica-sc.net/wp-content/uploads/2024/08/over-blog.jpg" data-image-description="" class="wp-image-27864" width="750" data-medium-file="https://aica-sc.net/wp-content/uploads/2024/08/over-blog.jpg?w=300" role="button" data-permalink="https://aica-sc.net/over-blog/" alt="" height="562" data-image-meta="{"aperture":"0","credit":"","camera":"","caption":"","created_timestamp":"0","copyright":"","focal_length":"0","iso":"0","shutter_speed":"0","title":"","orientation":"0"}" data-large-file="https://aica-sc.net/wp-content/uploads/2024/08/over-blog.jpg?w=750" tabindex="0" />Shoes tossingDe multiples explications circulent à propos de ce phénomène -que l’on dit mondial- du lancer de chaussures liées par les lacets pour qu’elles pendent des lignes électriques aériennes ou des câbles téléphoniques. Simple jeu d’adresse pour adolescents désœuvrés ?
Shoes tossing, un nouvel art urbain ?
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Hébert Edau
Accommodez vous du Paysage
Mais voilà que le shoes clinging apparaît dans une série récente du plasticien Hébert Edau. C’est à un fil barbelé agressif que s’accrochent les chaussures. Il y a aujourd’hui une suite de huit toiles. La première de deux mètres sur deux mètres a été exposée en 2019 à Sainte-Anne en Guadeloupe dans une exposition collective titrée Grands horizons. Plus récemment le public a pu les apprécier à la Fondation Clément lors d’une exposition personnelle Paysages immergés.
Une peinture de Stanley Greaves faisait déjà allusion au shoes clinging
Stanley Greaves
There is a meeting here tonight, série narrative de treize tableaux 1992-1993
C’est une rupture radicale dans le style pictural d’Edau qui jusque là s’était consacré à l’abstraction avec les séries Grands paysages, Cadastre, Parcelle, toutes marquant un fort attachement à son territoire.
Les toiles, de grand format, sont attractives et séduisantes, hautes en couleurs avec une dominante rouge et jaune et quelques touches de vert. Vous voilà comme immergé dans un foisonnement végétal mais très vite intrigué par l’intrusion du phénomène urbain du shoefiti dans cet univers agraire. D’autant plus que les baskets sont sanguinolentes.
Dans le coin inférieur gauche de l’un des tableaux, une paire de bottes d’ouvrier agricole forme contraste avec les chaussures de tennis dont on reconnaît la marque : le logo Swoosh de Nike qui symbolise l’aile de la déesse grecque de la victoire appelée Niké ou l’étoile des Golden goose qui flirtent avec les cinq cents euros.
Hébert Edau
Accommodez vous du Paysage
Ce sont les trois cultures post-coloniales qui sont représentées, la canne à sucre qui fait son apparition aux Antilles vers 1640, La banane introduite en 1930, l’ananas, certes originaire de l’Amérique du sud et des Caraïbes, culture vivrière à l’origine dont une tentative industrielle a globalement échoué mais qui comme les deux premières sont exploitées pour l’exportation.
Le titre Accommodez-vous du paysage, emprunté au Cahier d’un retour au Pays natal d’Aimé Césaire confirme la critique sociale et politique sous-jacente.
Hébert Edau
Accommodez vous du Paysage
Accommodez-vous de moi. Je ne m’accommode pas de vous (1). La formule lapidaire fondée sur le chiasme marque une opposition que l’on retrouve d’une certaine façon dans la toile entre les bottes de l’agriculteur et les baskets de luxe, indice de consommation excessive.
Edau montre ce qu’on ne veut pas voir. L’impératif ironique serait- il une antiphrase, invitant justement à ne pas s’en accommoder ? Le shoes clinging s’enrichit avec Edau d’une nuance supplémentaire : les chaussures suspendues dénotent l’immobilisme d’un pays figé où tout progrès est suspendu, où les forçats de l’agriculture continuent de suer sang et eau, où cependant l’hyper consommation règne.
L’artiste dit vouloir aussi faire référence à la célèbre chanson de Billie Holiday, Strange Fruit.
Ma peinture est méditative dit Edau. Le temps y joue un rôle déterminant. Entre la première toile de 2019 et celles d’aujourd’hui, quatre années se sont écoulées. L’exécution des tableaux par recouvrement successif est toujours patiente.
Il y a le temps de la création.
Et il y a le temps du choc face à cette luxuriance éclatante et celui de l’observation, du questionnement, de l’interprétation. Comme le dit le peintre, Sé déyè bwa ki ni bwa, qui n’évoque pas ici la tâche dont on ne voit pas le bout, mais la nécessité pour le regardeur d’aller au-delà de la première impression, d’interroger la peinture pour l’apprécier et la comprendre.
Dominique Brebion
1 Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal 1939