À la découverte de Sandaga, marché dakarois chargé d’histoire.s

Lieu emblématique de la ville de Dakar, le marché de Sandaga accueille chaque jour des milliers de personnes. En 2020, son site historique, qui présentait des risques d’effondrement, a été partiellement démoli par les autorités sénégalaises, qui ont entamé une longue phase de reconstruction. Aujourd’hui, artistes locaux et internationaux se mobilisent pour préserver la mémoire et l’essence du lieu. 

Au beau milieu du quartier du Plateau à Dakar, au croisement entre plusieurs routes, Djibril Dramé tente de se frayer un chemin parmi les marchands ambulants et autres vendeurs du marché de Sandaga. Bon nombre d’entre eux s’amoncellent sous des bâches ou à l’intérieur de bâtisses informelles en bois, étroites et peu ventilées. Au fil des allées, aux abords des étals, on voit çà et là des fresques murales, des couleurs vives, toutes sortes de tableaux de la vie quotidienne.

Le photographe Djibril Dramé dans le marché de Sandaga (c)Lauriane Nembrot

De quoi attirer l’œil du photographe et designer graphique, qui avance d’un pas assuré. Et pour cause, Djibril Dramé connaît l’endroit comme sa poche. Enfant, sa mère était vendeuse sur ce marché. Elle a occupé le même emplacement et vendait toutes sortes de produits. “C’est grâce à la vente sur ce marché qu’elle nous faisait vivre, qu’elle pouvait nourrir ses enfants. Cet endroit nous a permis de grandir”, explique Djibril Dramé, debout sur l’espace que sa mère a occupé pendant des décennies. Jusqu’à l’adolescence, il venait passer de longues journées à déambuler dans ces allées. 

Détruire, mais pas effacer

Au brouhaha quotidien du marché sont venus s’ajouter le va-et-vient d’ouvriers du bâtiment et le bruit assourdissant des engins de démolition. Tous s’activent sur un chantier titanesque, qui a débuté il y a déjà de nombreuses années : celui de la réhabilitation du bâtiment historique qui accueillait autrefois le marché de Sandaga. 

Construite entre 1933 et 1935, la bâtisse, inspirée de l’architecture soudano-sahélienne, menaçait de s’effondrer. Elle a donc été évacuée sur ordre des autorités sénégalaises courant 2022, au moment de la pandémie mondiale de Covid-19. En réponse, à défaut de pouvoir s’établir ailleurs, les marchands de Sandaga ont décidé de s’installer tout autour des fondations du bâtiment, en attendant la fin des travaux. “La bâtisse a disparu, mais le marché existe encore”, philosophe Djibril Dramé, saluant des vendeurs qu’il connaît bien. 

Haut-lieu d’art et de culture

Bien plus qu’un marché, Sandaga a aussi inspiré des générations d’artistes, à l’instar de Djibril Dramé. De retour au pays de la teranga après avoir vécu aux États-Unis, il reste attaché à ce lieu qui a marqué son enfance. “Aujourd’hui, je n’y vais que très rarement. Maman n’y est plus. Mais il y a toujours une bonne raison de venir ici”, explique l’artiste. 

L’art, qu’il soit urbain ou contemporain, est l’une des raisons qui le pousse à revenir à Sandaga et qui a fait la renommée du marché. Une notoriété qui va au-delà de la seule ville de Dakar et dépasse même, désormais, les frontières du Sénégal. “Je vis depuis onze ans à Dakar. Le marché de Sandaga fait partie des lieux qui ont le plus marqué ma vie ici”, confirme Stefania. 

Artiste italienne résidant au Sénégal, Stéfania Gesualdo est, elle aussi, tombée sous le charme de Sandaga dès son arrivée au pays de la teranga. En contact avec Djibril Dramé et JUKAI, un collectif d’artistes italiens basé à Berlin, elle a participé à l’exposition “Dem Dikk/Vivai”, consacrée à l’héritage de Sandaga et produite par l’institut culturel italien de Dakar. S’y mêlent des installations multimédias en ciment, tissus, des photographies et une tapisserie qui reproduit la mythique façade du marché, aujourd’hui démolie. “On avait envie de montrer que le marché est spécial, qu’il est vivant”, explique encore Stefania Gesualdo.

Lauriane Nembrot

L’article À la découverte de Sandaga, marché dakarois chargé d’histoire.s est apparu en premier sur Africultures.