"Contre l'espèce" d'Estelle Tharreau

Par Cassiopea

Contre l’espèce
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (6 Juin 2024)
ISBN : B0CW1F7HXW (en numérique uniquement)
483 pages

Quatrième de couverture

Le miracle écologique a eu lieu. Partout sur la planète, des recycleurs démontent l'ancien monde et la nature reprend ses droits. Seuls subsistent les hypercentres où chaque acte de la vie est piloté par huit plateformes numériques. Mais que se passe-t-il lorsqu'il ne reste plus rien à démonter et que les dirigeants de ces plateformes fomentent des projets génocidaires ? Quel destin attend John, le recycleur désabusé, Futhi, la jeune aveugle presciente, Olsen, le policier subversif, Ousmane, l'homme qui en sait trop, et Rosa, la ravisseuse du petit Willy ?

Mon avis

Dans cette dystopie, le papier a disparu, les êtres humains sont triés, catalogués dès le départ, « pucés » et tout passe par ce système : les commandes de repas, les choix etc. Le but ? Une humanité parfaite. Les plateformes numériques, aux noms très évocateurs, gèrent tout. L’éducation scolaire, les transports, le commerce etc. Et bien sûr il y a des « hypercentres » sécurisés. Vous imaginez le jour où il y a une panne ou un sabotage ? Les portes ne s’ouvrent plus, le ventre reste vide, et personne ne sait dialoguer vu que tout le monde passait son temps sur le téléphone…

Les autres ? Ils tentent de survivre, comme ils peuvent, en se demandant sans cesse à qui faire confiance, qui croire, qu’attendre de demain…. Il y a des employés, « des robots domestiques » qui agissent sans avoir droit à la parole, en étant « transparents » et efficaces. Et là, on se dit que parfois, on ne regarde pas dans les yeux celui qui nous tend un ticket au cinéma ou ailleurs et qu’on oublie de lui dire bonjour ou merci …

Le lecteur suit les différents et assez nombreux personnages. Il découvre des comptes-rendus, les interventions d’une radio clandestine, le quotidien des uns et des autres. On passe par de nombreuses émotions, on a peur, la colère nous habite, on lève les yeux au ciel en se disant que l’auteur exagère et pourtant… Il n’est pas si loin le premier ordinateur et tout va tellement vite… Où l’homme s’arrêtera-t-il ? Alors on s’accroche dès qu’on sent une lueur d’espoir aussi minime soit elle.

Avec de nombreuses références, une écriture acérée et pointilleuse, Estelle Tharreau nous entraîne dans un monde apocalyptique où les hommes ont oublié « que nos différences sont nos richesses » et qu’on est plus forts quand on s’écoute, lorsqu’on partage et se respecte.

C’est un texte noir, sombre, qui fait frissonner, qui fait peur. Même si les hypothèses sont poussées au maximum et que c’est caricatural, on n’est pas sans ignorer que si on baisse la vigilance, on finira par tomber dans un univers comme celui qui est présenté. Et on s’interroge sur notre rôle au milieu de tout ça, sur la place qu’on donne au numérique dans nos vies et les dérives qui en découlent.

Le récit est complexe et complet. Je pense que plus « ramassé » il aurait touché plus de lecteurs. L’auteur a probablement réfléchi, fait des investigations et voulant nous mettre en garde, elle n’a rien laissé au hasard afin de nous transmettre tout ce à quoi elle a pensé. Mais parfois trop d’informations risque de noyer l’essentiel. J’ai parfois eu parfois besoin de faire une pause dans ma lecture, comme si tout cela allait me plomber le moral. Il me fallait respirer…

C’est difficile de dire si on a aimé ou pas une telle histoire. Elle nous montre un côté tellement noir de l’homme … on voudrait que ce ne soit pas possible…la lueur d’espoir est infime mais elle a le mérite d’exister n’est-ce pas ?

NB : Of course, ce titre est uniquement disponible en numérique.