La présence attentive (2)

Publié le 14 août 2024 par Eric Acouphene

 Est-ce le plus important dans l’existence, le bonheur ?

J’aime bien l’expression « présence attentive », qui combine deux mots extraordinaires : présence et attention. Dans cette présence attentive, plus rien n’est vraiment important, comme si tous nos besoins étaient comblés d’un coup. D’ailleurs, j’ai soigné des gens épuisés au travail qui faisaient des burn-out ou remettaient en question toute leur vie parce qu’elle avait perdu du sens à leurs yeux. Ils n’étaient plus dans le présent. Ils étaient dans la peur de l’avenir, les regrets du passé, les remords de ne pas avoir fait les bons choix, pris les bonnes décisions, dans la culpabilité. Et ils évoquaient des besoins qui n’avaient pas été comblés chez eux : être reconnu, être quelqu’un aux yeux d’un autre. Ils prenaient alors conscience qu’en s’initiant à la présence attentive, leurs besoins s’apaisaient parce qu’ils étaient tous comblés d’un seul coup. Dans cet état, les peurs disparaissent, les besoins sont comblés.

Le succès n’est pas synonyme de bonheur


Et les grandes capacités de l’être humain apparaissent : aimer, s’émerveiller, transmettre, toutes ces grandes capacités bloquées par la peur de ne pas être quelqu’un, de ne pas être à la hauteur, de ne pas être aimé. Comprendre ce que signifie être dans la présence attentive, c’est à la fois facile et difficile. Difficile, parce que dans la peine, il y a toujours la peur de ne pas être quelqu’un ; facile, parce qu’avec un petit garçon de deux ans et demi qui me prend la main et dit : « Viens jouer avec moi à l’astronaute », je n’ai qu’à être présent, à dire : « D’accord ». Pendant les prochaines minutes, toute mon attention va être avec lui. Je vais écouter ses rêves, son imagination. Je vais entrer dans cet espace où nous sommes tous les deux complètement ensemble. Des gens me disent : « Vous avez connu le succès. Vos livres se vendent bien. Ça doit être merveilleux. » Je réponds toujours : « Le succès n’est pas synonyme de bonheur. » Le bonheur et la véritable réussite sont dans la présence attentive, pas dans le succès qui est éphémère, passager. Dans la présence, on est vraiment dans un moment d'éternité.

Par quel moyen y parvenir ? Qu’est-ce qui vous paraît le plus important ?

C’est un entraînement. L’attention ne peut pas être à deux endroits en même temps. Si elle est accaparée par la peur - de ne pas avoir assez, de perdre -, par toutes sortes d’attachements, elle ne peut plus être dans la présence attentive. Alors, il faut s’entraîner. C'est possible à chaque instant de la vie. Je reviens à mon petit-fils parce que c’est ce que je vis actuellement. S’il me prend la main et que je pense à ce qui pourrait m’arriver demain si je ne pars pas pour Montréal, eh bien, je ne suis plus avec lui. Alors, je peux m’entraîner, découvrir où est mon attention : complètement dans le présent avec lui, ou dans le passé, avec des regrets, des remords, la culpabilité et toutes sortes d’émotions : ou encore dans le futur, en train de créer des scénarios catastrophes. Si je découvre où est mon attention, j'ai cette capacité extraordinaire de la ramener dans le présent : cela s’appelle la vigilance. En s’entraînant constamment, et durant toute la vie, on devient capable de ramener notre attention ici. Et alors tout s’apaise. Il y a même des relations qui se créent qu’on n’avait pas soupçonnées. Ce matin, quand j’ai retrouvé mon petit-fils et qu’il m’a dit : « Tu as un gros chagrin », c’était fascinant, car spontanément il me consolait, et il n’a pas trois ans. Nous étions dans une présence attentive de l’un à l’autre, qui faisait qu’à ce moment-là, tout était paisible et bon. Ensuite, on peut planifier le voyage à Montréal. C’est donc un entraînement : je peux constamment découvrir où est mon attention. Est-elle ici ? ou dans le passé ? ou dans le futur ? Une expression que j’aime beaucoup, très simple, mais très puissante, m’aide énormément : « Serge, reviens ici, reviens ici. Quand je prononce ces mots-là, cela ramène mon attention dans le présent. Dans les grands yeux de mon petit-fils, dans ses sourires, ses questions, je sais que je suis vraiment dans le bonheur, et que demain ou après-demain, je pourrai aller embrasser mon papa et être dans le présent avec lui, même s’il ne s’en rend pas compte. Et s’il n’est plus là, alors il s’agira d'être avec ma mère, mes sœurs, mes frères. 

Serge Marquis (extrait du magazine reflet)

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