Je regardai l’autre soir quelques bribes olympiques sur mon écran plat.
Je vis entre autres des jeunes gens faméliques courir sans fin sur un ruban de plastique lilas strié de fines rayures blanches. Je notai également que la longueur des ongles de certaines femmes aurait plu à Dracula.
Il m’apparut également que l’objet de tous ces transports était l’obtention de médailles de métaux différents qu’un officiel cravaté accrochait au cou des plus valeureux coursiers. Profitant d’un temps mort, la réalisation nous arracha aux conditions du direct pour dresser un bilan imagé de la journée écoulée.
S’en suivit une farandole de cérémonies protocolaires, les athlètes, la main sur le cœur et le regard humide sur fond d’hymne national repris par le chœur des spectateurs. À la fin de cette courte séquence, un doute m’habita soudain. Mon téléviseur était bien doté de l’image couleur mais l’immense majorité des médaillés se fondait dans des tons cappuccino, voire expresso, bien loin des pâles nuances qui forment comme chacun sait la fine fleur de nos pays civilisés.
Les joutes terminées, j’éteignis le poste et me perdis en conjectures.
Comment se pouvait-il que l’étranger honni devienne tout à coup l’étranger béni ? Ces femmes, ces hommes dont la nuance de peau favorise le soupçon et souvent l’arrestation, cibles faciles des hordes de gens bien de chez nous, prêts à casser les gens pas de chez nous, bannière au vent et parpaings au poing.
Et pourtant, ils étaient là eux aussi, c’est sûr, les garants du droit du sol. Disséminés dans cette foule immense, reprenant à capella leurs hymnes nationaux, émus jusques au fond du cœur à la vue de ces corps à l’aspect étrange mais plus du tout étrangers, maintenant qu’ils avaient hissé le drapeau de leur mère patrie au plus haut de leur ciel étoilé.
On pourrait trouver dans ce retournement matière à réflexion sur la complexité de la nature humaine. Ou avancer qu’il suffit simplement de quelques grammes de métal suspendu à un ruban passé autour du cou pour que la lumière des projecteurs transforme toutes les couleurs du monde en autant de nuances de blanc.