Go straight to hell boy

Publié le 13 juin 2008 par Castor
Il y avait ce t-shirt des Hellboys porté par Philippe Manoeuve sur une émission de la Nouvelle Star qui m'avait intrigué. C'était peu de temps après.
Nikola Acin, chanteur des Hellboys, journaliste à Rock'n Folk et écrivain, est décédé à Paris le 17 mai 2008 à l'âge de 34 ans. C'est la couverture de Rock'n Folk parue ce jour qui me l'a appris. Je lisais ses critiques et articles dans Rock'n Folk depuis des années. Je me souviens particulièrement de celui, lu cet été, dans un hors série sur l'anniversaire de la mort d'Elvis Presley.

Nikola Acin était parti sur les traces du King. Il avait tenté de retracer son parcours dans un Memphis transfiguré de sa première maison aux studio Sun en passsant bien sûr par Graceland. J'avais adoré cet article, le ton, les atmosphères décrites. Il avait mis les mots justes sur l'émotion que j'avais pu ressentir lors de ce même pélerinage. Une émotion sincère, une dévotion pour la chose rock, un immense respect pour les pionniers et le besoin de gratter le mythe jusqu'à l'os pour tenter de percer le mystère.
Extrait:
Pour ceux et celles qui ont fantasmé, rêvé, imaginé, lu, appris, écouté et absorbé la musique qui en émanait, on entre à Memphis comme d'autres entrent à Gizeh ou à Jérusalem. Rien ici n'est innocent, rien ici n'est dénué de sens. Nous sommes à Memphis, Tennessee, là où le rock'n'roll est né. Le berceau de cette vibration électrique convulsive dont on n'a toujours pas fait le tour et le tombeau de son représentant le plus éclatant. Elvis. Blues, country.gospel.rhythm'n'Blues, rock'n'roll, rockabilly, soûl, funk, pop, garage, punk, c'est à Memphis que la musique américaine s'est déclinée dans son expression la plus féroce, viscérale et exaltante. Il ne faut pas longtemps à la ville pour nous couper le souffle. En surgissant de la Highway 240 sur la sortie Union Avenue, un coup d'accélérateur et nous voilà à un angle qui nous apparaît comme intimement familier. C'est le 706 Union Avenue et un immeuble à deux étages faisant l'angle nous salue d'un vaste néon surplombé d'une gigantesque Gibson demi-caisse ornant tout le haut de l'immeuble : Sun Records.

On a l'impression qu'on connaît déjà l'endroit tant on en a rêvé. Le lieu est préservé avec attention et il faut saluer la bienséance avec laquelle il est exploité. La buvette reconstituée sert les sodas habituels et une toute d'objets-souvenirs, mais également les disques originaux du label de Sam Phillips dont la collection personnelle du frère de Johnny Cash, tandis que derrière les caisses s'affairent les employés, une petite armée de jeunes enthousiastes aux tatouages et aux coiffures trahissant leur goût pour le rockabilly et l'héritage Sun. Contrairement aux récits qu'on avait pu nous en faire et la représentation comique dans le film de Jim Jarmusch "Mystery Train", ce n'est donc plus des guides indifférents récitant leur texte à la va-vite qui nous font visiter les lieux mais des passionnés, des experts. Nous sympathisons avec celui qui officiera pour notre petit groupe de touristes, Mike McCarthy. Celui-ci s'avère être guitariste du groupe Fingers Like Saturn et réalisateur de films
dont "Teenage Tupelo", "Superstarlet AD" et "Elvis Meets The Beatles" (dont il nous offre la BO sur vinyle 25cm) et de clips pour les Hives ou Guitaf Wolf. A l'évidence, on était faits pour s'entendre. Mike fait visiter l'étage dans lequel Sam Phillips louait une chambre pour les musiciens venus enregistrer de leur cambrousse et où désormais un mini-musée accueille splendeur sur splendeur, avec notamment les premiers magnétophones et consoles d'enregistrement du Memphis Recording Service, les guitares et costumes d'Elvis mais aussi de BB King ou Ike Tumer, jusqu'aux contrats et courriers destinés à Phillips et ses clients désormais étemels. Puis on descend dans le bureau reconstitué à l'identique de Marion Keisker. l'assistante de Sam qui ouvrit la porte au jeune gars à la coiffure stratosphérique et nota sur son petit cahier : "bon chanteur de ballades", ne sachant pas encore que celui-ci allait faite la fortune du label. Et puis, une porte et on entre dans l'espace de vingt-cinq mètres carrés qui constitue le Memphis Recording Service, c'est-à-dire le studio dans lequel en juillet 1954, Phillips, le guitariste Scotty Moore, le contrebassiste Bill Black et le jeune King ont déclenché l'incendie "That's All Right". Mike montre au sol le trou creusé par la contrebasse de Bill Black et des petites croix peintes en noir qui indique: les emplacements désignés des musiciens autour du micro unique qui les surplombait. Arrivant à la croix qui indique la place d'Elvis, il fait rire les touristes en demandant un volontaire pour y poser un baiser. Mais il y certaines choses avec lesquelles on ne rigole pas et c'est en son propre no autant que celui de la rédaction et du lectorat de Rock&Folk; que l'auteur de ces lignes s'est agenouillé pour embrasser le sol désormais sacré. "C'est première fois que quelqu'un fait ça", remarque Mike, amusé.


Il termine son article par ces mots qui résonnent aujourd'hui de manière prémonitoire: "Sa mort précoce (...) est celle de quelqu'un qui rêva plus fort et plus loin que les autres et qui invita l'humanité à rêver avec lui d'un monde dans lequel un petit garçon pouvait s'imaginer porter une cape et briller d'un éclat aveuglant, admiré de tous. L'homme est mort, le rêve, lui, ne mourra jamais".
Comme le chantaient les Clash dont on le savait spécialiste "go straight to hell, boy"
Le chanteur:

Le journaliste:
Nikola Acin - A propos du Band et de Dylan - Réal Thomas Boujut